Elliott Murphy & Olivier Durand à la Sala Clamores (Madrid) le mercredi 19 janvier
Ce n’est qu’un peu avant 22 h 15 qu’Elliott Murphy et Olivier Durand apparaissent, parce qu’il a bien fallu laisser trois quarts d’heure pour que les gens s’installent laborieusement à leur table dans la salle : on commence comme toujours très soft, avec cette espèce de mise en place « low key » habituelle aux sets d’Elliott. Le problème, c’est que, même quand le concert devrait monter en puissance comme d’habitude (A Touch of Mercy, Sonny, du lourd, non ?), il ne se passe RIEN, mais rien de rien ! Le son est désagréablement métallique, la voix de Murphy, qui ne me paraît pas très en forme en ce début de soirée, est à demi inaudible, d’où je suis placé, je ne perçois pas une note jouée par Olivier (imaginez ma frustration...), et les morceaux semblent s’enchaîner dans une sorte d’uniformité grise que je ne me souviens pas avoir vue chez Murphy. Je me sens consterné, et je vois que les deux fans à ma droite ne sont pas non plus en train de délirer de bonheur, loin de là. Et lorsque Murphy entame avec Take the Devil out of Me et You don’t need to be more than yourself la visite de son dernier et superbe album, c’est triste, car rien de la beauté des chansons ne transparaît plus. Vais-je assister au pire concert d’Elliott Murphy de ma vie ? (et j’en ai vus pas mal, même si je ne saurais lutter contre une fan absolue comme Patricia !). Je me cramponne à mon espoir et aussi à mes souvenirs, car moi, je sais que Murphy peut être brillant. Take Your Love Away, dans une version bien enlevée, nous rassérène (ma voisine me dit : « Bon, là, ça va commencer, tu vas voir ! »), puis une interprétation moyenne de You Never Know What You’re In For (Murphy se plante entre ses harmonicas, ma voisine me dit que « c’est sa chanson préférée... », moi aussi, moi aussi) montre qu’on n’y est pas encore (là où on devrait être...) et douche un peu mon enthousiasme naissant. Il faudra en fait attendre assez longtemps, jusqu’à la sublime montée émotionnelle de On Elvis Presley’s Birthday (ma seconde chanson préférée...) pour que le set décolle : le public ne s’y trompe pas, une acclamation spontanée s’élève, l’électricité circule enfin, Murphy et Olivier sourient, bon, on a perdu une heure, mais ce n’est pas grave, maintenant ça va turbiner...
L’heure et demi qui va suivre (eh oui, Elliott et Olivier vont jouer près de 2 h 35 cette nuit !) sera impeccable, et peut-être même un peu plus que ça : au delà de la force habituelle (retrouvée) de l’interprétation, du son qui a enfin trouvé son équilibre et qui est maintenant excellent, du public qui – même s’il ne lève pas son cul de sa chaise – est bien chaud, deux éléments vont contribuer à la réussite absolue de cette seconde partie du concert :
- d’abord, la set list, qui est une sorte de rêve devenu réalité pour tout fan de Murphy : oui, oui, on aura même Euro-Tour, percutant et jouissif, et A Change Will Come, enthousiasmant, et Anastasia, émouvant, et Drive All Night, merveilleux, et même, cerise sur le gâteau pour moi, Sicily en final-bonus, soit ma troisième chanson préférée... un morceau à ma connaissance très rarement interprété sur scène. Et puis une vraie belle version de Diamonds By The Yard, pas gâchée par les présentations (et pour cause...) des musiciens, qui voit pour la seule fois de la soirée Murph prendre le « lead » à la guitare pendant qu’Olivier assure la rythmique. Et un solo absolument merveilleux d’Olivier sur Rock Ballad, dans l’un des derniers rappels. Et puis surtout, dans le moment le plus parfaitement sublime de la soirée – un moment fully unplugged vraiment magique (avant que les braillements d’une rixe de pochards au bar oblige Murph à rebrancher l’électricité au milieu de Green River) – une incroyable reprise du Blind Willie McTell de Dylan. Je regretterai seulement que les morceaux du dernier disque, dont Poise’n’Grace (Murphy a sur scène une drôle de feuille / aide-mémoire listant les villes citées dans le texte, je la ramasserai à la fin en pensant qu’il s’agit d’une setlist !) et le beau With This Ring, ne soient décidément pas au niveau de l’album. Je serai par contre surpris d’entendre pour la première fois une interprétation tranchante, totalement convaincante, de And General Robert E. Lee, un morceau qui m’avait jusqu’à présent toujours laissé un peu indécis, et qui est en train de mûrir.
- ensuite, et je sais que ça en irritera certains, le fait que Murphy soit beaucoup moins bavard qu’à l’habitude (il avouera avoir pensé que peu de gens dans la salle comprennent l’anglais) : en se concentrant sur la musique et en nous épargnant ses éternelles anecdotes (bon, c’est vrai que je les ai beaucoup entendues...), il nous offre le meilleur de lui-même. Et puis quand enfin, à la fin, il parlera, ce serra d’autant plus impactant : Elliott remerciera Olivier pour 15 ans sur la route avec lui, d’un très beau : « Avant de le rencontrer, j’étais comme Mick Jagger sans Keith Richards ». Touchant !
Voilà, il est une heure moins le quart, Elliott et Olivier ont visiblement du mal à quitter la salle, leurs amis (nous, puisqu’à chaque fois que Murphy réussit un concert, nous nous sentons tous un peu ses amis), et cette joie précieuse qui naît du sentiment que la musique, une fois de plus, nous a touché de sa grâce. Je ne resterai pas cette fois pour la traditionnelle séance de dédicaces, de photos et de discussions avec Elliott (il y a une longue queue, le concert ayant été sold out), il est temps de rentrer dormir un peu, ave seulement ce vague regret que le concert ait été ce soir aussi long à démarrer.
Note : l'intégralité de ce CR sera sur le blog des RnR Motherf***s, comme toujours !