Art Brut au Moby Dick Club (Madrid) le samedi 12 novembre
A 22h05, les quatre musiciens de Art Brut montent sur scène (par la salle, par la gauche de la scène comme toujours au Moby Dick Club), suivis quelques instants plus tard par Eddie Argos (plus tard, il déclarera lui-même n'être pas musicien : "D'ailleurs, jusqu'à ce matin, je croyais que la basse, c'était ça" en désignant la LesPaul de l'un des deux guitaristes, juste en face de nous sur la droite. Eddie, il a grossi (l'alcool ?) mais reste l'irrésistible showman des débuts, sans un soupçon de fatigue ou de démotivation devant le peu de succès de son groupe. Au contraire, Art Brut pète toujours autant le feu, et il est visible que les cinq pieds nickelés s'amusent toujours autant sur scène ! On attaque avec Formed A Band, manifeste parfait de pourquoi Art Brut existe et de ses choix formels (le fameux "Yes, this is my singing voice" déclamé par Eddie) : mis à part la basse qui est inaudible, on en prend plein les feuilles avec les deux guitares qui tonnent et grincent comme en 1976, et la batterie puissante. Je me dis que Art Brut, c'est bien pour les jeunes comme Inés ou Juan Carlos, c'est un peu comme revenir aux sources du punk british, une époque qu'ils n'ont pas eu la chance de vivre, avec la bonne humeur en plus ! Je gueule donc "play some fuckin' rock'n'roll" pour mettre un peu d'ambiance, et Eddie me répond à la fin d’Axl Rose, "je trouve que c'était déjà bien rock'n'roll, non ?". Il arrête alors le set, nous expliquant que la basse, leur "arme secrète" ne marche pas, et qu'on va réparer. On repart avec My Little Brother, mon morceau préféré d'Art Brut de tous les temps, qui me permet d'essayer de lancer un pogo : je bouscule les photographes à ma gauche, en vain... Le public reste relativement inerte... C'est bien ce que je craignais, Art Brut à Madrid, ça ne peut pas être la folie comme à Paris ! Tant pis, tout seul devant, je braille le génial "my little brother just discovered rock'n'roll !!". Eddie se lance alors dans son premier discours de la soirée, hilarant bien sûr, expliquant que 6 ans plus tard, ce n'est plus le jeune frère qui expérimente la rébellion et les drogues qui est un sujet d'inquiétude pour ses parents, mais bien lui, avec son groupe qui a juste trop de succès pour arrêter, mais n'arrive pas à dépasser le "plateau" du premier album : c'est simple, le petit frère est devenu prof, tandis que lui, Eddie, joue à Madrid devant exactement le même nombre de personnes qu'il y a six ans. "En fait, il y a une personne en moi. Bon, il n'a sans doute pas pu venir, il doit être malade...". Merveilleux sens de l'humour anglais, merveilleux Eddie Argos !
Et le set se poursuit, ça ramone sec, les deux guitaristes prennent des poses et s'amusent comme des petits fous, et visiblement, même si ça ne pogote pas, tout le monde dans le public partage la bonne humeur du groupe : Art Brut, c'est irrésistible ! Il faut admettre que tous les morceaux ne sont pas indispensables, il y a quelque chose d'un peu "bourrin" là dedans, mais d'un autre côté, ça reste une expérience purement rock'n'roll, sans "attitude" ni prétention, ça respire et ça vibre tout naturellement. On arrive à Modern Art, qui sera le point fort de la soirée : Eddie descend au milieu du public, finit par s'asseoir et fait s'asseoir tout le monde par terre dans le Moby Dick Club, pour raconter ses mésaventures dans un musée d'Amsterdam, quand, pour les 13€ de l'entrée, il a décidé de toucher une des toiles exposées. Il a alors senti son corps parcouru d'un véritable courant de communion avec le peintre décédé, avant de réaliser qu'il s'agissait du système électrique de sécurité... LOL ! Et Eddie continue, continue, alors que je pense qu'il n'y a pas un quart du public qui maîtrise assez l'anglais pour le suivre dans son délire. D'ailleurs, il s'en rend compte, avouant s'être lui même "coincé" ainsi assis au milieu d'espagnols qui n'aiment pas salir leurs pantalons et ne comprennent rien à ce qu'il raconte : la sortie est pourtant facile, il suffit que les deux guitares reprennent leurs riffs pour que la salle s'enflamme. Magique ! A mes côtés, Inés, Juan Carlos et Luis sont ravis : finalement, Art Brut, c'est simple comme le plaisir !
Art Brut jouent alors leur version d'une chanson "sexy" : Eddie ouvre deux boutons de sa chemise, avant d'arrêter en disant : "je ne peux pas être plus sexy, à moins que vous trouviez qu'avoir un problème avec l'alcool est attirant...!". Art Brut enchaine donc avec Alcoholics Unanimous, et son fabuleux break : "it takes me ages to get dressed"... Finalement, Art Brut, c'est drôle, mais c'est aussi triste, amer, presque désespéré parfois... Comme on dit, "l'humour, c'est la politesse du désespoir", non ? Un ajout à la setlist quand Eddie demande au public ce qu'il souhaite entendre : ce sera 18,000 liras, un punk rocker court et irrésistible. Je réclame alors Emily Kane (je sais qu'il est sur la set list à ce moment-là...), Eddie rigole en me disant : "on dirait que tu fais partie de l'équipe, tu devrais venir avec nous, et réclamer comme ça les chansons qui sont sur programmées, ça serait plus facile". Suit donc une version moyenne de Emily Kane, dont je me rends compte à ma grande tristesse que j'ai oublié les (très belles) paroles. On finit le set sur Sealand, un morceau plus doux amer, presque poignant ce soir. Eddie remercie le public de Madrid, et me remercie moi en particulier : ça fait toujours plaisir !
Retour pour un encore de 3 titres, avec le merveilleux Good Weekend en ouverture : c'est le moment du speech rituel "cette chanson a été numéro 1 en... Autriche... Et numéro 137 en Angleterre... Et numéro 537 en Espagne !". Au milieu de la chanson, on gueule tous le génial : "Art Brut ! Top of the Pops ! Art Brut ! Top of the Pops !"... Et puis c'est la fin, Eddie quitte la scène, le quatuor de musiciens finit le spectacle autour de la batterie, dans une débauche sonore spectaculaire. Eddie remonte ensuite lui-même le Marshall du guitariste qui égrène tout seul le dernier feedback de la soirée. Oui, une heure dix environ et c'est fini. Putain de concert de rock'n'roll !