"No Hidden Path" : Neil Young live à Rock in Rio (Madrid le 27 Juin)
Ceux d'entre nous qui étaient au Grand Rex pour le dernier passage de Neil Young à Paris ne l'oublieront pas de si tôt : "No Hidden Path" est la nouvelle grande chevauchée épique du cheval fou Neil Young (bon, Crazy Horse n'est pas sur le coup, mais vous comprenez l'idée...), et la version de 26 minutes qui clôtura (*) le 27 Juin dernier le set de Rock in Rio Madrid (diffusée par TVE2, disponible sur le Net) ravive nos meilleurs souvenirs. Avec une mélodie enchantée comme Neil en pond une ou deux par album, pas plus, avec ce son de guitare cataclysmique inventé voici presque 30 ans pour "Hey Hey My My...", "No Hidden Path" est l'un de ces morceaux épiques qui, tous ensemble, constituent la pierre de touche de l'oeuvre du Loner : "Down By The River", "Cowgirl in the Sand", "Cortez The Killer", "Like a Hurricane", "Powderfinger", "Love and Only Love" (également interprété à Madrid...), etc. Mais ce qui en fait le moment le plus sublime, le plus bouleversant des concerts de cette tournée, c'est la manière dont le vieux tigre semble prendre vie, s'enflammer littéralement à un moment, et trouver une sorte de jeunesse éternelle à travers la furie sonique de ses interminables solos. Interminables car, et on le voit bien sur les images de Madrid, ces instants de grâce sublimes sont le fruit d'un effort, d'une souffrance, d'un travail obstiné : la Beauté ne naît pas ici par hasard, mais à force de remettre l'ouvrage sur le pétrin, ou plutôt de chercher encore et encore dans la glaise amorphe la forme parfaite, ou encore de frotter obstinément les deux mêmes pierres pour que surgisse l'étincelle. Neil Young boulanger pétrissant le pain qui nous nourrira, Neil Young sculpteur qui modèle nos statues éphémères, Neil Young homme de Néanderthal allumant le feu qui nous éclairera dans la nuit noire... des images, toutes justes, pour tenter de saisir le travail d'un Artiste (qui a prononcé le mot "génie" ? Bon, alors celui qui sort de la lampe...) qui, depuis plus de 40 ans, élève régulièrement la musique vers le sublime. Il suffit de voir les visages des spectateurs
madrilènes quand l'indicible se produit, quand la guitare leur déchire le coeur, leur met les larmes aux yeux, fait souffler le vent des plaines perdues (oubliées...) sur la foule : bonheur, incrédulité, jouissance même. Le vieil homme sur scène semble se tordre de douleur, devant sa petite troupe de musiciens presque cacochymes qui l'entourent, le protègent, le guident dans sa quête obstinée de la perfection (lui, il les invective, il les fouette du regard, jamais satisfait, toujours plus exigeant...). Son visage déformé par l'âge, évoque celui du vieux marin obstiné : Capitaine Achab de notre génération, Neil Young parcourt encore les océans du monde, transporté par sa furie inextinguible, sa guitare incendiaire à portée de la main, à la recherche de la dernière Baleine Blanche. Et, sur "No Hidden Path", je ne sais pas trop s'il la tue enfin, mais en tout cas, le combat est magnifique.
(*) Note : En rappel, Neil Young interprète pour la première fois "A Day in the Life", l'incroyable morceau de clôture de Sergeant Pepper's. Et on pourrait croire que Lennon et McCartney ne l'ont écrit que pour lui, pour la manière dont sa guitare déchiquetée remplace à elle toute seule - ou presque - l'orchestre symphonique dans la spirale finale. Mais c'est une autre histoire. Heureux Madrilènes !