"Le passage de la nuit" de Haruki Murakami : pure perfection...
De tous les Murakami que j'ai lus, "le Passage de la Nuit" est sans doute celui qui laisse le sentiment le plus pur, et le plus parfait à la fois. Paradoxe, les différents récits qui le composent en se superposant l'espace d'une seule nuit sont tous des récits d'angoisse, de violence, de trouble et de perte, mais l'art de Murakami est de les envelopper d'une sérénité mélancolique qui nous touche au plus profond de notre âme : un peu paresseusement, on dira qu'il s'agit là de l'universalité de la poésie, qui fait que la prostituée chinoise battue, la dormeuse éternelle prisonnière de l'écran de télévision ou la jeune fille qui hésite au seuil de la vie sont toutes une autre version de nous-même, qui avons vécu ou aurions pu vivre exactement les mêmes sensations. Autre paradoxe : ce court livre nous paraît parfait alors qu'il ne propose que quelques heures d'histoires qui ont commencé avant et se poursuivront sans nous, on le ressent très profondément en refermant le livre : sans doute la métaphore "cinématographique" dont use Murakami, qui parle évidemment aux plus cinéphiles d'entre nous, rend-elle immédiatement crédible ce survol éphémère de fictions aussi fantastiques que cruellement ordinaires. "Le passage de la nuit" se situe dans un au-delà cinématographique puissant - et original -, que j'aime imaginer entre l'Antonioni de "Identification d'une femme" et le "Ring" de Hideo Nakata.