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Le journal d'un excessif
3 janvier 2011

Dernier retour sur l'année cinéma 2010...

social_network_2010J’ai beaucoup ri en lisant dans « El Pais » que 2010 avait vu le triomphe des geeks dans le domaine du cinéma (et de l’Art en général), affirmation typique de journalistes en mal d’idées qui veulent voir se dessiner « une tendance », entre le succès artistique et commercial de The Social Network, du décidément très grand David Fincher, et la domination désormais sans partage du cinéma d’animation « 3D » (avec l’ambigüité que recouvre maintenant ce terme, à une époque où le relief triomphe enfin ( ?) dans les salles) conduite par les ex-geeks de Pixar (Toy Story 3 constituant sans aucun doute une nouvelle preuve, s’il en fallait encore une, de la maturité de cette forme de cinéma-là, qui n’a plus grand-chose de « films pour enfants »…). Au-delà de l’artificialité de ce rapprochement, il est pourtant facile de voir que l’on parle seulement ici du renouvellement naturel des générations, chacune apportant au media essentiel qu’est le cinéma sa culture et ses compétences techniques ou artistiques : après la génération « rock » qui a changé la face d’Hollywood à la fin des années 70, voici donc les geeks : rien de nouveau donc, juste un passionnant rafraîchissement des thèmes et des formes, soit une chose dont le cinéma bénéficie – et heureusement – régulièrement.

J’ai aussi souri en lisant l’habituel synthèse de l’année des « Inrocks », qui faisait feu de tout bois pour insister sur le fait que c’était désormais le « virtuel » qui était au cœur du cinéma populaire le plus réussi comme du cinéma le plus d’avant-garde. Et nos amis critiques de mettre en parallèle les mondes enchassés de Inception (surprenant triomphe de Christopher Nolan), l’univers-cerveau du gothique Shutter Island de Scorsese, voire les fantômes bénins de Oncle Boonmee du toujours impressionnant  Apichatpong Weerasethakul : oui, oui, mais souvenons-nous qu’on disait plus ou moins la même chose à l’époque de la sortie de Matrix (le modèle évident du film de Nolan), ou de n’importe quel chef d’œuvre de David Cronenberg, ce qui relativise quand même la « nouveauté » du concept… surtout si l’on pense que la littérature a travaillé tout cela depuis plus de 40 ans…

Je me suis donc dit qu’il ne servait à rien de chercher mon propre fil conducteur au long d’une année cinématographique que j’ai surtout abordée de la manière la moins intellectuelle possible, comme une succession de films, susceptibles de m’apporter du plaisir, ou non. Coupé de la France par mon exil espagnol, privé du flux incessant de petits films d’auteurs, qui constituent quand même une large part de ce qui est intéressant au cinéma quand on vit en France, j’avoue avoir bien du mal à tirer la moindre leçon d’une année 2010 dont j’aurais moi plutôt souligné la diversité : entre les moines sacrifiés de Des Dieux et Des Hommes et les politiciens malfaisants du magnifique The Ghost Writer – retour époustouflant du Polanski qu’on aimait autrefois -, y a-t-il un autre point commun que l’intérêt, j’allais dire « bien naturel », d’artistes envers le monde qui nous entoure, sa terrifiante complexité et son absurde violence ?

poetry_lee_chang_dong_2010Au final, quand on lit les fameuses listes de fin d’année de nos revues et journaux favoris, on retrouve bien des titres en commun (je ne parlerai pas ici des fameux Petits Mouchoirs qui ont semble-t-il enchanté les Français, mais je suis un peu sceptique sur le coup, excusez-moi…), ce qui indique peut-être un inquiétant alignement des goûts, au-delà des barrières sociales et culturelles, voire des frontières, à moins qu’il ne s’agisse simplement du fait que le talent au cinéma reste le talent, quelles que soit les modes et les tendances du moment, et qu’il est toujours relativement évident de reconnaître un « vrai bon film » d’un simple produit bien marketé. Je conclurai en regrettant néanmoins que mon coup de cœur à moi pour 2010, Poetry du coréen Lee Chang-Dong, bien que primé à Cannes et bien reçu un peu partout, ai généralement ait été oublié au moment des palmarès :mais au final, je m’en moque un peu, parce que j’ai eu le sentiment, précieux, que ce film m’était destiné à moi, qu’il avait été écrit et réalisé pour ma propre sensibilité, et que cette particularité en faisait la valeur inestimable…

Et si c’était ça, la magie du cinéma, l’expérience individuelle en un temps de tendances de masse ?

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