"Peur Noire" de Harlan Coben : Myron Bolitar entre San Antonio et les tendances fascisantes de Coben...
Si la série des Myron Bolitar est nettement supérieure aux polars "classiques" de Harlan Coben, malgré le tissu d'invraisemblances encore plus épais qui la recouvre, c'est bien à cause de l'humour grossier qui nous est servi à la pelle, du langage trivial utilisé, et de la galerie de personnages truculents, toutes choses qui pourraient rappeler ce que Frédéric Dard faisait avec ses "San Antonio"... Sauf que, malheureusement, Coben s'arrête avant de franchir la frontière du mauvais goût. Et que son très fort puritanisme américain l'oblige à créer une distance morale entre ce que son personnage vit et fait et sa propre appréciation de ses actes et de ses motifs (le double de Bolitar, Win servant en général à exprimer de manière commode les pulsions sadiques, criminelles ou libidineuses de Bolitar / Coben). Cette antipathique ambiguïté arrive à un point de non retour avec "Peur Noire", livre moins efficace qu'à l'habitude (l'intrigue s'enraye et cesse de nous intéresser aux 3/4 du bouquin) et nettement plus dégueulasse : entre tendances fascisantes (le droit à la vengeance personnelle y est défendu par Coben) et brouet de théories bien répugnantes sur l'humanité (la scène où Bolitar torture un homme, et la scène encore plus ignoble où il va s'excuser...). Au milieu de tous ces trucs qui donnent envie de ne plus jamais rouvrir un livre de Coben, ce dernier réussit quand même à glisser une poignée de scènes à haute teneur émotionnelle, tournant comme toujours autour de la tendresse et de la force des rapports filiaux, un sujet qui, on le sait, est au coeur de "l'oeuvre" de Coben. Est-ce suffisant pour qu'on ait envie de lire le prochain ?