Beauté de la corrida (Fiesta de Grenade)
Si ma redécouverte de la corrida à Madrid avait été un tant soit peu décevante, du fait du niveau moyen des toreros comme des taureaux, ce week-end dernier à Grenade, à l'occasion de la grande fête annuelle de la ville (c'était le pont du Corpus Christi à travers toute l'Espagne...) m'a permis de voir combien la tauromachie pouvait être un Art sublime, conjuguant perfection technique, beauté des gestes et des trajectoires, et excitation.
N'ayant pas en main les instruments critiques complexes qui me permettraient de parler intelligemment de cet Art-là, qui est d'ailleurs un rien abscons (d'où l'incompréhension qu'il provoque chez les bien pensants et politiquement corrects qui s'indignent avec une bêtise crasse du "mal" fait aux "pauvres" animaux...), je me contenterai d'évoquer ici l'enthousiasme que j'ai ressenti durant les deux performances flamboyantes de El Fandi, DAVID FANDILA MARÍN, torero de 29 ans originaire - justement - de Grenade, qui a enthousiasmé sa ville, et m'a ému par moments jusqu'aux larmes. Oui, n'étant pas (encore) aficionado, je n'ai pu que m'émerveiller devant la beauté de l'enchaînement des passes, de ces moments suspendus où le taureau lui-même, comme hypnotisé par le torero, danse littéralement autour de lui et avec lui. Surtout, surtout, El Fandi a été littéralement flamboyant, affrontant ses deux taureaux pour la première fois à genoux, alors que l'animal a encore toute sa force et est une pure machine à tuer (si vous ne le croyez pas, revoyez sur le net les vidéos hallucinantes de l'accident survenu à Julio Aparecido il y a deux semaines !). El Fandi a écarté ses assistants pour planter lui-même toutes ses banderilles (je ne savais même pas que l'on pouvait ainsi changer les règles de la corrida !), nous offrant par deux fois une scène hallucinante : poursuivi par l'animal fulminant, il se retourne, et contrôle puis stoppe la charge de cette demi tonne de haine en posant la paume de sa main sur le front de la bête ! Il fallait voir el Fandi aussi, au moment critique où l'animal meurt, transpercé par l'épée parfaitement enfilée au point exact où elle doit entrer, oui à ce moment "difficile" (pour tous) où il est prudent de contrôler tous les mouvements autour du monstre agonisant, caresser tendrement le flanc de son adversaire et retirer lui-même l'épée, sans l'aide d'aucun instrument qui lui aurait permis du recul, mettant ainsi plus rapidement un terme aux souffrances du taureau.
Oui, pour moi qui n'y connais pas grand chose, j'ai eu le sentiment d'assister à quelque chose de parfait : bon, le président de la corrida a été sévère, les deux oreilles n'ont pas été attribuées la seconde fois à El Fandi, mais l'arène de Grenade était debout et vibrait d'enthousiasme, et le fils du pays a fait battre plus vite le coeur de tous. Et les belles andalouses avaient le rouge aux joues en lui jetant mouchoirs et foulards. Olé !