Benjamin Biolay à la Sala Heineken (Madrid) le Jeudi 13 Mai
Même en entrant le dixième environ dans la salle, je me trouve pénalisé au premier rang par la position des claviers, au bord de la scène, qui, juste en face de moi, ne faciliteront pas les photos. Si l'on ajoute que Benjamin a systématiquement la main droite sur son micro cachant son visage, et n'arrête pas de bouger, je me rends vite compte que ce soir, ça ne sera pas "soirée photo". Tant pis, je vais me concentrer sur la musique, ce n’est pas plus mal... Le set a commencé avec pas mal de retard sur l'horaire prévu, mais il est facile d'imaginer que ce décalage est imposé par la retransmission en direct à la radio, et je suis immédiatement frappé par un sentiment général de maladresse qui se dégage de tout cela, entre des musicos (The Birkins) qui ont tout de "pros", mais de niveau moyen, du genre accompagnateurs de chanteurs de variété standard, et leur absence totale de style, comme d'énergie tirera tout le long de la soirée les magnifiques chansons de Benjamin Biolay vers le bas, vers une sorte de lourdeur mécanique qui les déshabille de leur magie. Maladresse aussi de Biolay, visiblement pas très à l'aise sur scène, entre poses convenues qui le font plus ressembler à un animateur de soirée au Club Med (et on tape dans les mains, et on agite les bras : à la limite du ridicule, tout Par contre, et c'est le plus important, je suis aussi assez surpris de la qualité de la voix de Biolay, bien plus sûre et pleine que sur disque, ce qui est quand même rare, non ? Dans l'ensemble, l'interprétation de ses (grandes, répétons-le) chansons sera excellente, à l'exception d'une ou deux versions "simplistes" de morceaux populaires, assez frustrantes : je pense par exemple à cette version pataude de Padam, au premier rappel, qui n'aura à aucun moment la brillance pop du disque. Ce qui est rapidement clair, c'est que le set est non seulement basé sur PS : l'intégralité de ce CR sera disponible sur le blog des RnRMf***s... cela !), et timidité de chanteur à textes qui se cache derrière son micro. Pas terrible, tout cela, il faut bien l'avouer, même si, visiblement, les filles du fan club français à ma droite (je dis ça, mais je n'en sais rien : en tout cas, BB avait l'air de les connaître !) le trouvent totalement craquant (moi, bien entendu expert en beauté masculine, je me permets de le trouver plutôt glauque, un tantinet repoussant même, et je ne m'étonne pas désormais d'avoir lu des choses méchantes sur lui sur le net !)...
"la Superbe", ce dont nul ne devrait se plaindre, mais aussi concentré sur les morceaux les plus amples, les plus rocks, les plus épiques même. Et je dois avouer que, régulièrement, entre des interprétations plus faibles, la "sauce" prend vraiment et le concert décolle avec une force surprenante : ce sera par exemple le cas sur Si Tu Suis Mon Regard (le premier éclat de la soirée), sur Prenons Le Large, et bien entendu sur la Superbe, morceau magnifique qui pourra évoquer à certaines oreilles le travail d'un Massive Attack. Mais le sommet de la soirée sera incontestablement une version intense de A l'origine, conjugaison parfaite d'un texte judicieux et d'un esprit beaucoup plus noir, beaucoup plus rock : bien sûr, les cris de Benjamin sonnent encore un peu artificiels et contrits, et cette retenue prive cette grande chanson de son indéniable potentiel de chanson "possédée" ! Un grand et beau moment, néanmoins.
Les deux rappels amèneront le concert à près de 2 heures, et verront un Benjamin un peu plus décontracté venant faire la bise aux Françaises du premier rang, serrer des mains et signer des autographes. Pour finir, il nous offrira l'extraordinaire Brandt Rhapsodie, mon morceau préféré de "la Superbe", sans Jeanne Cherhal bien sûr, remplacée par une brunette moins convaincante : certes, la magie de ce texte cruel a mal résisté à l'atmosphère d'une fin de concert plutôt exubérante, mais j'ai été quand même bien content de ce petit cadeau, que j'ai pris à titre parfaitement personnel...
Voilà, je suis sorti de la Sala Heineken pas tout à fait conquis par le talent scénique de Biolay et de sa bande, mais certain que nous avions désormais en France un artiste de l'envergure des Gainsbourg et des Bashung d'hier...