Blood Red Shoes au Moby Dick Club (Madrid) le samedi 10 avril
21 h 50 : c'est même avec un peu d'avance sur l'horaire
que Blood Red Shoes
attaque son set, l'idée étant apparemment de nous "libérer" à temps
pour assister à la seconde mi-temps du match (Laura-Mary nous fera d'ailleurs
part de sa surprise de voir la salle ainsi bondée, malgré LE match !). Pas de
surprise, c'est toujours par leur éternel It's
Getting Boring By The Sea que Steve et Laura-Mary attaquent le set,
et le souvenir des concerts précédents permet de tout de suite faire le point
sur ce qui change, et sur ce qui ne change pas chez Blood Red Shoes. Fondamentalement,
on reste dans le respect des principes du groupe : deux voix aériennes,
des riffs brutaux, des mélodies accrocheuses, une batterie cataclysmique (Je
suis sûr que Steve se rêve en fils de John Bonham), Laura-Mary qui reste
réservée et Steve qui amuse le public et fait le show. Mais il y a aussi,
heureusement, une évolution : d'abord, et ce n'est pas anecdotique du tour, ce
soir, Laura-Mary ne fait pas la gueule, elle sourit même largement, et paraît régulièrement
heureuse de l'accueil délirant (mais ça, c'est classique ici) du (jeune) public
madrilène. Ensuite, il y a un sentiment de violence, de brutalité même, dans la
musique de Blood Red Shoes, qui n'était pas là avant, et fait une sacrée
différence. Comme c'est déjà clairement discernable sur l'abum ("Fire Like
This", recommandé...), nos deux pâles Anglais payent clairement désormais
leur tribu à Nirvana, et cette orientation vers une rage plus désordonnée,
moins contenue dans les carcans pop, transforme assez fondamentalement la
manière dont on "vit" désormais un concert de Blood Red Shoes : c'est
comme si, de théorique et conceptuelle, cette frustration intense qui a
toujours nourri les chansons de Blood Red Shoes, se voyait désormais "matérialisée",
littérale, palpable. Dès Light It Up,
on sent que le concert peut atteindre ce soir des sommets : les fans pogottent
et chantent à tue-tête, le staff derrière la console a la banane, Laura-Mary
sourit de toute ses dents, et moi, moi je me rends compte que je n'ai encore
jamais entendu Blood Red Shoes comme ça, à deux doigts de se libérer de sa
bonne éducation anglaise. Je dis à deux doigts, car si on passera à deux ou
trois reprises très près de la "grandeur", on n'y arrivera jamais
complètement : voyez par exemple le superbe When
We Wake, sommet à mon avis du second album, avec son crescendo
acéré, eh bien on sent qu'on est presque à la "jouissance sonique"...
mais pas encore tout à fait...!
Petite pause sympa quand Steve téléphone à sa petite sœur
dont c'est l'anniversaire aujourd'hui, et que nous chantons tous en chœur
"Feliz Compleaños..." Laura-Mary se marre, mais je me demande quand
même si ce genre de "laisser-aller" correspond à sa vision de ce que
doit être Blood Red Shoes... Le duo enchaîne les chansons impeccables (Don't Ask : j'adore !), clairement
moins pop qu'autrefois, mais bien plus "émotionnelles", jusqu'à ce
que, au bout de 45 minutes seulement, Steve nous annonce que c'est la dernière
chanson... Noooon ! Comment se fait-il qu'avec deux albums pleins jusqu'à la
gueule de bonnes chansons, Blood Red Shoes nous limite encore à la
"portion congrue" ? Laura-Mary et Steve descendent de scène,
traversant sans les toucher les rangées de fans qui sont pourtant en extase :
oui, au Moby Dick Club, les artistes doivent descendre dans le public pour
monter sur ou descendre de la scène... et c'est visiblement une petite épreuve
pour Steve et Laura-Mary qui ont encore visiblement du mal à affronter la proximité
physique avec leur public ! Rappel de deux titres, enchaînant Doesn't Matter Much en version
"grunge", et, le moment que j'attends depuis le début, ce Colours Fade qui est une quasi citation
du style Sonic Youth. Oui, désormais, Blood Red Shoes a UN morceau - long et déstructuré
- digne de conclure ses sets, mais... Blood Red Shoes n'est pas encore Sonic
Youth, et, malgré le niveau sonore élevé, tout cela reste encore un peu trop
poli et respectueux pour nous faire décoller comme cela devrait. Je réalise a
ce moment là que, bien que nombre des chansons de Blood Red Shoes ait le
potentiel de faire basculer un concert vers "autre chose", le duo
reste quand même prisonnier d'une exécution trop fidèle aux versions studios.
Oui, le magnifique Colours Fade
devrait être une tuerie, et il ne l'est pas...
Mais ne nous plaignons pas, l'évolution de Blood Red
Shoes est impressionnante, et, le public madrilène aidant, Steve et Laura-Mary
ont été meilleurs que jamais ce soir... je ne suis pas certain que Blood Red
Shoes pourra un jour transcender ses limites, mais, ce soir, j'aurai fait avec,
et avec beaucoup de plaisir.
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