Flamenco
<p>El Arenal - Sevilla</p>
Parmi les nombreuses théories dont je rebats les oreilles de
tous ceux qui ont le malheur de m'écouter, il y en a une qui voudrait qu'il y ait une qualité absolue
dans l'Art, et non pas seulement des opinions subjectives et toutes acceptables,
comme il est souvent de bon ton de le dire, dans un esprit de tolérance qui
n'est que du "politically correct". Par exemple, Ford ou Mizoguchi, c'est
génial, et c'est tout, et ce n'est pas une question de "goûts", et n'importe qui
peut le "voir".
Je suis donc assis dans ce "tablao" réputé de Seville -
pour touristes - en train d'assister à un spectacle de flamenco, et de m'ennuyer
- un peu - poliment devant des numéros convenus : les chanteurs hurlent, les
danseurs frappent du talon, les guitaristes guitarent, on est dans le cliché
sympathique mais relativement anodin. Les danseuses et danseurs se succèdent, et
on applaudit leur "performance" en savourant une excellente sangria. Et puis
surgit un danseur, et d'un coup, sans qu'on sache l'expliquer, vu qu'on ne
connaît absolument RIEN au Flamenco, qu'on n'aime même pas particulièrement ça
si l'on est honnête... quelque chose se passe devant vos yeux, quelque chose est
LA sur scène : le temps suspend son vol - cliché, mais quand même... -, on
retient son souffle, on a les yeux écarquillés. Pendant 10 minutes, on fait
l'expérience de la Beauté, de l'Art dans son évidence la plus totale : gestes
sublimes, arrogance majestueuse, rythmes fous, tourbillons épuisants, le
flamenco a pris vie, il fait enfin sens au milieu du triste commerce
touristique. A la fin, tout le monde dans la salle du tablao crie fort et
applaudit : l'expérience a été absolument partagée.
Peu importe si,
ensuite, on retombe doucement dans le folklore, avec les belles robes andalouses
virevoltantes et le cliquetis des castagnettes, on a été saisis.