La vie n'est pas si formidable que ça : Mark Linkous s'est suicidé...
<p><p>ML</p></p>
Quand j'ai écouté pour la première fois "It's a Wonderful Life" (c'était en 2001),
l'album incroyable de Sparklehorse, j'ai vécu l'une de ces épiphanies dont on se
souvient pour le reste de sa vie. Je crois bien que si j'avais alors été plus
jeune, ça aurait été le genre d'album qui aurait pu me la changer, ma vie : un peu comme
quand, à 15 ans, on entend pour la première fois "Don't let it bring you down"
chanté par Neil Young sur "After the Goldrush", et bien entendu, à cause de la
voix de Mark Linkous et du tremblement effrayant que ce désespoir serein peut
provoquer en vous, la comparaison n'est pas gratuite. A l'époque, tout le monde
ignorait Sparklehorse, et, comme toujours, on parlait beaucoup de tout un tas de faiseurs à la mode qui n'arrivaient pas à la cheville de
Mark. Bon, Sparklehorse a figuré à une bonne place sur ma top list de l'année 2001,
et puis, j'ai honte de le dire aujourd'hui, je suis passé à autre
chose.
L'autre soir (on était le 8 mars), juste avant que Shearwater n'attaquent leur set, il
y a eu un petit morceau impromptu, qui a paru à moitié improvisé par les musiciens sur la scène du Moby Dick Club de Madrid, et
j'ai eu un flashback étrange : Sparklehorse...!!! Quelques jours plus tard, la
presse faisait état du suicide de Mark Linkous (le 6 mars), et du coup, je me suis demandé
si les musiciens de Shearwater avaient appris la nouvelle et improvisé un petit
hommage - sans commentaires -, ou si, moins trivialement, une sorte de court circuit s'était produit,
ce genre de hasard qui fait qu'on pense à quelqu'un pour la première fois depuis
longtemps, juste pour apprendre quelque chose de nouveau - et de définitif - sur
lui (ou elle). Je préfère bien sûr cette seconde hypothèse, dont la magie
correspond mieux à la musique de Sparklehorse, même si, a posteriori, la version de l'hommage s'impose, si l'on considère la chronologie des faits.
Aujourd'hui, les journaux
rock de la planète sont pleins de petites lettres d'amour envoyées par des gens
dont Linkous a un jour soigné - ou brisé - le cœur, et je regrette de n'avoir
jamais su convaincre mes amis d'écouter "It's a Wonderful Life", sans parler du
fait d'avoir moi-même ignoré Linkous dans les années qui suivirent. Ne suis-je
pas, à ma modeste mesure, partiellement responsable de son absence de succès commercial, et par là, de son suicide
?
Alors, pour payer cette dette, j'espère qu'il y aura au moins une
personne qui lira cet article, achètera un album de Sparklehorse, et qui en
verra sa vie changée. Merci, Mark.