Adam Green au Ramdall Music Club (Madrid) le mercredi 3 mars
21 h 35
: Adam Green monte
sur scène, et c'est une sorte de choc : imaginez Gainsbourg dans sa phase trash
terminale, avec 25 ans de moins, sur la scène du CBGB en pleine naissance du
punk new yorkais... Je ne crois pas que je puisse décrire mieux ce que j'ai
devant moi. Adam, petit blouson de cuir sur son torse nu et grassouillet,
pantalon informe et tombant, s'agite dans tous les sens comme s'il savait
danser... Il court sans cesse d'un bout à l'autre de la petite scène, essayant
visiblement de noyer son désespoir en déchiquetant ses belles chansons, jouées
à la truelle par un groupe basique de chez basique... La voix est inaudible
pendant une bonne partie du set, alors que toutes les minettes sont venues pour
ça, pour entendre cette belle voix grave qui transforme leur petite culotte en
serpillière. Mais Adam s'en fout, il cherche le contact physique avec toutes
ces jolies filles qui le regardent, il vient les toucher, serrer leurs doigts,
se rouler sur elle... Il multiplie les stage divings - 4 ou 5 pendant l'heure
vingt de concert - et je suis sûr qu'il fait ça pour sentir leurs mains sur
lui, ce pervers ! La petite fan à côté de moi se recule d'un air dégoûté à
chaque fois qu'Adam en sueur vient se frotter à elle. Les gobelets de bière
volent et nous arrosent copieusement. C'est un putain de concert de
rock'n'roll, my friend, oui oui, je crois que ça devait être exactement comme
ça pour Richard Hell ou Johnny Thunders dans les clubs new yorkais en 75-76...
La connexion avec les Strokes me paraît, pour la première fois, claire ce
soir... sauf que l'on parlerait de Strokes qui ont oublié élégance et bonnes
manières pour se laisser aller à chanter des horreurs sexuelles (la grande
spécialité d'Adam sur ses premiers disques) et à se comporter comme des
sagouins. A ce stade de la soirée, alors que les morceaux interprétés,
méconnaissables, convainquent moins que l'esprit dans lequel ils sont joués,
déboule une version fun et furieuse de Emily,
qui marque une certaine
reprise en main par Adam du chaos...
Puis,
brutalement : une pause solo acoustique... ce qui nous faut quand même du bien
! On retrouve les chansons magnifiques d'Adam (une version bien assénée de Bluebird, en addition à la setlist qui
ne servira de toute manière que de fil conducteur), jusqu'à un sommet, une
interprétation magnifique de douleur du superbe Boss Inside, avec ses paroles qui font frémir (Adam noie
un ami en le maintenant sous l'eau et le serrant dans ses bras, le genre...).
Et après, le groupe revient, et on repasse au rock'n'roll avec une série de
chansons cette fois audibles : Buddy
Bradley, Goblin, Stadium soul, toutes extraites de
"Minor Love", mais réellement abouties par rapport à l'album. Puis
c'est le crowd pleaser : Dance With Me,
sur un rythme disco et avec tout le monde qui saute sur place et avec Adam,
insatiable, qui repart pour un nouveau stage dive. C'est le sommet
d'excitation de son concert, avant de ravir une dernière fois les fans qui
chantent toutes (et faux) le parfait Jessica.
Court
break, et on repart pour un long rappel, commençant en acoustique, avant de
finir par une version déjantée de Choke
on a Cock (et ses vers immortels : "oh je suis si content
d'avoir rencontré George Bush, et juste après j'ai été m'étouffer avec une
bite")... Et par un moment de pur chaos, une chanson basique que je ne
connais pas, à la différence de tout le reste du public (Baby’s Gonna Die Tonight ?). Adam sort de scène, le groupe continue
seul pour lancer un feedback infernal avant de quitter la place, jusqu'à ce que
le videur excédé débranche lui-même l'ampli, et que la sono enchaîne avec le Fun House des Stooges. Putain de
rock'n'roll !
A un moment, en espagnol (oui, Adam s'est exprimé uniquement en espagnol ce soir, et plutôt correctement), Adam nous a dit que "sa vie, ce n'est que du sang...", et croyez moi, il n'avait pas l'air de rigoler. Ceci dit, si votre vie se transforme en eau de boudin (ou en "sang"), vous pouvez, après tout, faire comme lui, et vous mettre minable sur scène devant vos fans en pâmoison. Sauf qu'avant, il faudra quand même avoir pondu une poignée de chansons qui tiennent aussi bien la route que les siennes !
L'intégralité de ce concert se trouve sur le blog des R'n'RMf***s !