The Fiery Furnaces au Moby Dick Club (Madrid) le mardi 23 février
L'intégrale de ce CR est sur le blog des RnRMf***...Mise en place rapide et efficace du matériel de The Fiery Furnaces, en moins de
10 minutes, le groupe mettant lui-même la main à la pâte : basse à gauche,
batterie au centre et guitare à droite, avec un petit ampli Fender devant lequel
je me suis résolument planté en attendant ma dose de putain de fucking NOISE...
puisqu'on m'a annoncé que je ne devais pas m'attendre à la complexe subtilité
des albums !!! Pas de claviers donc, ce qui surprend, "I'm Going Away" étant
principalement construit autour de ceux-ci...
A 21 h 55, Matt et Eleanor
Friedberger sont sur scène, sauf que j'avais dû mal comprendre ce que Gilles
m'avait expliqué, car Matt est au centre avec sa Telecaster blanche, et Eleanor
sur la droite, juste en face de moi (à quelques dizaines de centimètres de moi,
Dieu bénisse le grand angle de mon Lumix !), elle qui se consacre donc sur scène
exclusivement au chant, et a laissé sa batterie à un bûcheron de service. Il y a
aussi un bassiste anonyme sur la gauche, que je ne verrai de toute manière
quasiment pas dans l'obscurité qui l'entoure, vu le peu d'éclairage ce soir. Le
look des musiciens (je l'écris même si personnellement ça m'ennuie, parce que je
sais qu'il y a des filles qui me lisent et aiment savoir quels vêtements portent
leurs stars, pauvres d'elles !) est de n'avoir pas de look, si ce n'est celui de
tous les post-ados attardés américains : t-shirts, pulls informes, jeans, bla
bla bla. Rien de glamour chez les Friedbergers, croyez-moi ! Le set démarre par
un morceau que je ne connais pas, ce qui n'a rien d'étonnant, vu que je n'ai
découvert The Fiery Furnaces qu'avec leur dernier album, et,
alors qu'Eleanor psalmodie ses premiers couplets de la soirée, je peux vérifier
de visu que c'est bien elle la responsable de la voix "androgyne" que j'aime
tant, et qui m'évoquait plutôt un homme qui veut chanter comme une femme qu'une
femme, si vous me suivez... Bref, Russel Mael sur les moments pop, Gordon Gano
sur les chansons roots énervées, pour que les plus "cultivés" d'entre vous
situent un peu cette voix. Non, c'est bien une voix féminine, même si, ce soir,
elle est bien diminuée par le mal de gorge dont se plaint Eleanor, et elle en
paraît d'autant plus "ordinaire"... Dès le deuxième titre, le merveilleux
Charmaine Champagne, je réalise ce dont mes amis parisiens se sont
plaints : disparue toute la réjouissante bizarrerie swingante de la chanson, on
est passé à un traitement binaire, très rock, trop rock (eh oui, ça peut arriver
!), et l'on en reconnaît encore des parcelles de mélodie et les paroles, mais
plus du tout l'esprit... Nous qui regrettons régulièrement l'application que
mettent aujourd'hui les artistes à reproduire à la lettre leurs chansons sur
scène, nous voilà dépités par un groupe qui fait exactement l'inverse ! Sauf
que, dans leur cas, appliquer un tel traitement "binaire" à leur musique
furieusement paradoxale revient à la "banaliser", sans qu'elle acquière pour
autant ce supplément d'énergie, de spectaculaire que Matt et Eleanor doivent
apparemment rechercher en live. La preuve, le public - en nombre désormais
important - restera
relativement de marbre pendant les 70 minutes qui suivront,
ce qui est très, très inhabituel à Madrid. Est-ce un problème de compétence
technique des musiciens ? Au centre de la scène, Matt a quand même du mal à
maîtriser les constructions complexes de ses propres chansons, et chaque partie
de guitare a quelque chose de laborieux, loin de la fraîcheur du
disque...
Et le concert se poursuit, clopin, clopant, et je me rends
compte que je préfère largement les chansons que je ne connais pas, qui
n'appellent donc aucune comparaison - défavorable - avec leurs versions
originales, que les larges extraits de "I'm Going Away" (The End Is
Near, Keep Me In The Dark, Cut The Cake, Ray Bouvier, et
encore Drive To Dallas - en version accélérée -, sur lesquels
je m'efforce de chanter pour rentrer un peu dans le concert..). Je regarde
Eleanor, cachée derrière ses cheveux, qui, appliquée à se battre avec sa voix
qui la trahit, n'accorde aucune attention au public : elle me paraît
régulièrement secouée de petits tics, se mordant les lèvres, se grattant les
avant-bras, se retirant dans le fond de la scène. D'elle ne se dégage qu'une
sorte de vague hostilité, au mieux un ennui poli, qui clairement, ne font rien
pour améliorer l'ambiance. Matt, d'ailleurs, semblera la surveiller d'un air
vaguement inquiet pendant tout le set, lâchant quelques sourires en coin (de
soulagement ?) quand il la verra se détendre un peu. Crystal Clear,
accueilli par quelques "ouaaah" par les fans, sera l'une des chansons les plus
réussies de la soirée, et on arrive à la fin, et au rappel qui voit Matt et
Eleanor démarrer en duo, lui au chant, elle à la batterie, un moment bancal mais
finalement intéressant, avant un final furieux et déconstruit.Eleanor
remet son blouson pour quitter la scène alors que le groupe joue encore,
accentuant l'impression qu'elle se fiche bien de tout ça, et se rend
définitivement odieuse à mes yeux en tendant sa setlist par dessus ma tête à
quelqu'un derrière moi (Eleanor, si tu lis ces lignes et que tu comprends le
français : je te déteste !). Heureusement, Matt, définitivement plus charmant,
me remet gentiment la sienne : je lui fais un clin d'œil pour le remercier,
j'ai envie de lui dire quelques mots de sympathie parce que, forcément, il doit
sentir que quelque chose ne fonctionne pas sur cette tournée... Mais le premier
rang est maintenant envahi par une bande d'Américains qui cherchent à copiner
avec leurs compatriotes, avec cette énergie du désespoir qu'ils ont souvent loin
de chez eux : "Je suis de Chicago, ya know... Merci d'être venus peupler le
désert musical où nous sommes depuis 6 mois", beugle à Matt l'une des filles qui
me bouscule, dans son désir de recréer - un soir au moins - des liens avec "le
pays". Eh, tu étais où, à tous les superbes concerts de ces derniers 6 mois, toi
? Je ne t'ai pas vue au premier rang !... Je me replie donc, et décide d'éviter
le stand de merchandising, même si je suis tenté par l'achat de quelques albums
: car je suis bien décidé à ne pas me laisser abattre par cette piètre
prestation scénique de The Fiery Furnaces... Ils font de grands disques, il n'y
a pas de raison de se punir en s'en privant.