María Pagés - Autoretrato (Matadero - Madrid)
Il faut d'abord parler de ce lieu très impressionnant qu'est le "Matadero" de Madrid, ancien abattoir reconverti avec brio par la mairie de Madrid en centre de création artistique : le mélange de décrépitude (a priori soigneusement conservée) et de constructions modernes (acier, verre, carton) est particulièrement réussi esthétiquement, tandis que les espaces dédiés aux expositions ou aux spectacles - comme le petit théâtre Naves del Español où se tenait la dernière du spectacle de María Pagés - paraissent remarquablement spacieux et bien conçus. Un exemple architectural et créatif pour bien des villes, à mon (humble) avis...
Bon, pourquoi María Pagés, me direz-vous ? Eh bien d'abord, tout simplement, parce qu'on ne peut pas comprendre la culture espagnole sans passer un moment ou un autre par le flamenco, et que le spectacle de María Pagés (cet "autoportrait" qui a déjà couru le monde...) est parmi ce qui se fait de mieux dans le genre (... même si je suis sûr que des amis espagnols me trouveraient plein d'autres artistes moins... "évidents" et plus "roots") : révélée au reste du monde par Carlos Saura (dans son film "Flamenco"), cette quadragénaire andalouse est une chorégraphe moderne et une danseuse remarquable, et nous offre la possibilité d'approcher le flamenco d'une manière qui ne soit ni folklorique (je pense à ces horribles spectacles en Andalousie inclus dans les packages de voyages organisés... brrr !) ni trop absconse. La mise en scène "moderne" (lumières, miroirs mobiles, apparitions / disparitions des musiciens et danseurs) rend en effet le spectacle accessible - spectaculaire - même à ceux qui ne comprennent (encore) rien au flamenco. Instinctivement, on saisit ce qui vient de la tradition andalouse (ces musiciens et ces hommes qui claquent dans leurs mains et exhortent les danseurs, assemblés sur scène comme sur la place d'un village andalou ; ces histoires qu'on sent terribles d'amours maudits, de haines ancestrales et de désirs violents ; ce chant impressionnant, rude et parfois agressif à certaines oreilles, qui rencontre si souvent la musique arabe), et ce qui est sublimé par la modernité (le travail sur une sorte de hiératisme contemporain, via l'obscurité et la lumière).
Bon, on ne comprend pas grand chose aux paroles des chansons (en andalou a priori, sauf lorsqu'à un moment, un beau poème en portugais tome du ciel), donc on ne saisit pas bien ce que tout cela a d'un autoportrait. Il y a aussi quelques moments un peu répétitifs, et longuets sur une heure vingt cinq d'une performance ininterrompue, très physique et la plupart du temps très intense. Les costumes ne nous ont pas paru toujours remarquables, avec des choix de couleurs ternes et peu attrayantes... Mais, mis à part ces quelques réserves - qui n'en sont pas vraiment - cet "Autoportrait" contient suffisamment de passages enthousiasmants (j'adore quand les "olés" fusent spontanément du public !) et de moments étonannts pour ravir qui que ce soit, et même les novices et incultes comme nous.