"Cosmopolis" de Don De Lillo : entre Ballard et Brett Easton Ellis
De Lillo est un génie, tout le monde le dit, alors ça doit être vrai.
Je n'ai pas réussi à lire plus de 10 pages du premier livre de De Lillo
qu'on m'a offert, ce qui ne m'arrive jamais. J'ai acheté "Cosmopolis"
parce qu'il était court, et je l'ai reposé après 10 pages, incapable
d'entrer dans le livre, du fait du style de l'auteur, poétique certes,
abstrait aussi, mais qui ne me parlait pas outre mesure. Et puis j'ai
appris que Cronenberg, oui, Cronenberg allait adapter le livre, alors
je me suis dit que... Il devait y avoir quelque chose pour moi dans ces
190 pages. Et de fait, j'ai fini par rencontrer un sujet, une forme et,
peut-être, un auteur. "Cosmopolis" fascine donc - pour peu qu'on
franchisse la barrière des premières pages - par sa profondeur
symbolique et sa force visionnaire (je pense aux scènes formidablement
visuelles - qui appellent l'adaptation cinématographique - des émeutes
de "rats" ou de l'enterrement d'une star de rap), autant que pour
l'aspect "livre-cerveau" (le monde perçu seulement à travers les
perceptions pour le moins fluctuantes du personnage principal),
fondamentalement Cronenbergien, en effet. Au delà du talent fou dans la
construction convergente du récit - la conclusion en est rapidement
dévoilée - et de la beauté de certaines phrases, conjuguant trouvailles
"sémantiques" et inspiration poétique indéniable, il reste au fond de
moi une gêne, légère, mais indiscutable : le thème de "Cosmopolis"
reprend assez littéralement les obsessions d'un J.G Ballard (la
connexion Cronenberg, encore) sur le délitement de sociétés
déshumanisées, en les confrontant avec l'hébétude caractéristique des
premiers Brett Easton Ellis... Deux de mes auteurs préférés de tous les
temps, mais dont je ne suis pas sûr qu'ils auraient fait un meilleur
livre sur ce thème !