PJ Harvey & John Parish au Bataclan le lundi 18 mai
21 h 02, PJ Harvey est là, à quelques mètres de moi, en petite
robe noire sur sa peau blanche, pieds nus, lèvres écarlates, et c'est quand même
un beau moment d'émotion quand éclate Blackhearted Love : la voix est
sublime, le chant parfait, et derrière, le son de John Parish
& Co (dont Eric Drew Feldman, ex-Captain Beefheart, ex-Pere Ubu et ex-Frank
Black, aux claviers, excusez du peu !) est impressionnant de classe et
d'élégance, à la fois brutal et rond, sensuel et nerveux. Les musiciens, plus
très jeunes, sont vêtus de costards sombres, et portent des feutres, le tout
donnant une impression d'élégance folle. Soyons clairs : si seulement les
morceaux de John Parish étaient un tant soi peu inspirés, ça pourrait devenir
facilement le concert de l'année, tant la voix de PJ Harvey nous fascine, nous
hypnotise, nous immerge tous - le public qui reste silencieux, presque pétrifié,
comme de peur de bouleverser l'équilibre parfait qui se réalise sous ses yeux -
dans une extase infinie. Nous dérivons donc, portés par cette musique largement
atmosphérique, planante, qui ne se laisse que rarement aller à la violence,
malgré le tonnerre que peuvent déchainer à volonté les deux Fenders. C'est
d'ailleurs l'autre bémol - léger - que je mettrais à mon appréciation
enthousiaste de ce soir : le vrillant A Woman A Man Walked By nous est
joué ce soir sans la furie tellurique de l'album, et PJ semble plus amusée que
consumée de désir colérique quand elle crie : "I Want his Fucking Arse". La
suite, (The Crow Knows...) instrumentale, est néanmoins magnifique,
tandis que PJ, cambrée telle une danseuse de flamenco, se laisse entraîner par la
musique dans une transe sensuelle. Un bouquet de roses rouges atterrit à ses
pieds, avec un sens du timing parfait... Mais le moment le plus exceptionnel du
concert, qui arrachera des cris de joie aux plus endurcis, sera l'interprétation
disons "patti-smithienne" d'un titre de "Dancehall at Louse Point", dont
j'ignore le titre (Vincent me souffle qu'il s'agirait de Civil War
Correspondent...), soit un moment de pure perfection, qui voit PJ devenir
pythie et gorgone à la fois : à ce moment-là, sa tenue de prêtresse antique fait
sens absolu, nous sommes au centre d'une sorte d'incantation immémoriale, d'une
force et d'une beauté suffocantes.
Voilà, le tout ne dure guère que 1 h
20, et le rappel ne sera pas un paroxysme, non, simplement une sorte d'échange
radieux (oh, le visage transfiguré de Parish !) avant de se quitter. Michael
récupère la set list, marquée comme celle d'hier a priori "Bruxelles 14 mai".
Brigitte rêve d'avoir PJ chantant pour elle toute seule dans son salon. Quant à
moi, je me dis que ce petit bout de femme au physique euh... particulier (gros
nez, grande bouche, grosse tête, pas de seins, cage thoracique creuse, jambes
épaisses et pieds encombrants... que voulez vous de plus ?) reste une incroyable
incarnation de la féminité la plus triomphante, et que, plus prosaïquement, elle
pourrait chanter l'intégralité des pages jaunes parisiennes qu'elle
transformerait ça en brasier extatique."
Comme d'habitude, retrouvez l'intégrale de ce compte-rendu sur le blog des Rock'n'Roll Motherf***s !