Eagles of Death Metal au Bataclan le vendredi 27 mars
Toute le monde ou
presque sait aujourd'hui que Eagles of Death Metal, ce n'est ni
un groupe de covers des Eagles, ni du Death Metal, mais un projet parallèle du
prolifique Josh Homme, une sorte de retour à un rock'n'roll plus basique, mais
finalement assez indéfinissable. Sur scène, on sait bien que Josh Homme ne sera
pas là, mais pour cette tournée, il s'est fait remplacer par le titanesque Joey
Castillo à la batterie (lui aussi de QOTSA), ce qui va nous garantir, pendant
une heure et demi durant, une turbo-propulsion infernale. Bon, commençons par
décrire la troupe qui s'agite sur scène devant nous : un guitariste improbable
qui ressemble à un personnage de Chris Ware, sorte de vieux poupon képon à l'âge
indiscernable ; un bassiste effrayant qui semble échappé directement de l'âge de
pierre ; Joey Castillo qui ramone à
l'arrière, clairement en vacances par
rapport à la complexité de son travail chez QOTSA, mais visiblement très
concerné ; et puis Jesse Hughes au chant et au jeu de lunettes, sorte de rescapé
du village d'Astérix qui n'en revient pas d'être là, et peut-être même d'être
toujours vivant vu son addiction "au porno et à la crystal meth" (je ne
mentionnerai qu'en passant une copine dont nous n'avons pas retenu le nom qui
viendra chanter en montrant ses formes sur un morceau !). Gilles B, fan ultime
de EODM, m'a expliqué que Jesse Hughes a été naguère un politicien (tendance
républicain sudiste, pro-armes et anti-avortement...), ce que je veux bien
croire quand je constate la manière dont il retourne et séduit son public,
roulant tout son petit monde dans la farine à force de mots gentils et d'œillades amoureuses !
Mais trève de
cynisme, le fait est que Jesse est content, vraiment content de l'accueil
exceptionnel que EODM reçoivent ce soir, à Paris. Il en est même étonné, après
une tournée en Espagne a priori beaucoup moins chaleureuse (d'après ce qu'il
raconte). Et quand il répète à plusieurs reprises : "Man, believe me, we really
needed that !", on sent une vraie sincérité dans sa voix : pas trop difficile
d'imaginer la galère d'une tournée européenne pour un tel groupe, pas vraiment
connu, de ville grise en bourgade anonyme... et puis, le miracle : Paris, et un
public littéralement déchaîné. Car ce soir, c'est l'exact antithèse du concert
de Franz Ferdinand la semaine dernière : voici un groupe fondamentalement moyen,
littéralement porté vers les cîmes par un public en adoration... soit la recette
d'un très bon concert, même quand la musique jouée n'a clairement rien de
génial. Oui, au risque de froisser mon ami Gilles B., je ne trouve rien de bien
transcendant dans les disques de EODM, juste quelques riffs bien troussés, avec
un esprit bon enfant qui flirte parfois avec le second degré. Mais sur scène,
surtout devant un tel public (et devant nous, écrasés et piétinés au premier
rang...), c'est autre chose, une sorte de
symbole parfait de la beauté du
rock'n'roll, quand il ne recherche que l'excitation et le plaisir. Du coup, même
si j'ai un peu de mal à "décoller" au début, impossible de résister à tant
d'énergie, de bonne volonté et de fun. Le Bataclan est donc en ébullition : les
slammers et stage divers se succèdent à un rythme de plus en plus rapprochés,
Gilles B et moi sommes piétinés, frappés, puis Gilles doit se défendre contre
une furie hystérique qui le cogne, qui le mord à l'épaule et qui me griffera les
mains alors que j'essaye de retenir ses coups... Rock'n'Roll
!
Juste avant le rappel, Boys Bad News me paraît tout à fait excellent... Mais c'est au rappel que ça va "se passer pour moi" : une intro solo de Hughes, jusqu'à un premier couplet du Brown Sugar des Stones, avant que Castillo ne lance la machine, à fond la caisse... Un tube imparable, Cherry Cola, puis on s'écarte de la set list, avec une reprise démentiellement accélérée du New Rose des Damned, et un Castillo surnaturel au milieu d'un halo de sueur ! Superbe final - Speaking in Tongues - qui prouve bien que, quand les morceaux sont bons, les EODM peuvent être extraordinaires. Et puis c'est fini !
On sort donc du Bataclan tôt ce
soir, vers les 22 h 10, mais bien rassasiés, en se disant que si EODM n'ont pas
inventé la poudre, ils savent bien la faire parler. Putain de Rock'n'Roll
!
Retrouvez l'intégralité de ce comte-rendu sur le blog des Rock'n'Roll Motherf***s !