"Gran Torino" de Clint Eastwood
"Gran Torino" permet à Eastwood, à l'approche de ses 80 ans, de prouver que la maîtrise - incontestable - acquise depuis une quinzaine d'années à la direction de films ambitieux, peut être mise au service d'un film populaire, à la fois merveilleusement divertissant (les grondements et les grimaces parodiques d'Eastwood-acteur atteignant même la légèreté de la farce) et parfaitement lucide quant aux véritables défis de notre société "en crise" : difficultés d'intégration des populations déplacées, tentation du repli sur soi-même et sur des valeurs rances, omniprésence d'une violence plus au-destructrice qu'autre chose, inanité des solutions spirituelles ou morales. Faisant mine de ressusciter, pour notre plus grand plaisir, ce vieux facho de Dirty Harry, Eastwood prend le temps exquis de nous manipuler pour nous amener à un paroxysme d'émotion, et surtout à son inévitable conclusion : c'est notre capacité à aimer, plus qu'à user de la force, qui permettra de sauver et de transmettre nos valeurs.