The Stranglers à l'Olympia le jeudi 5 février
Jay Jay s'approche du bord de la scène,
frappe violemment sa basse avec un grand sourire, avant de s'agripper le paquet
d'un ait interrogateur. Traduction (quelques instants plus tard) : "est-ce que
vous sentez le son de ma basse dans vos couilles ?" Non ? Alors, on monte le
son. Et c'est No More Heroes, l'une des grandes hymnes datant d'une
époque où l'on conspuait toutes les
hymnes.
Flashback...
Est-ce une bonne idée d'aller au concert quand on est fondamentalement dans une période "noire", moitié déprimé, moitié en colère ? Aller voir les "Men In Black" paraissait quand même aller de soi, les Stranglers en connaissant quand même un rayon en matière de déprime et de colère. Mais auparavant, il faut se farcir la galère du vestiaire (pour l'équipement de moto), le public pénible de fans quinquagénaires qui ne se déplacent que pour les Stranglers (mais de toute l'Europe - voir le mélange d'Anglais et de Néerlandais brailleurs derrière nous) et dont les propos avinés (abierés, ça se dit ?) vérifient l'adage : "Jeune con deviendra vieux con".
Ce qu'il y a de bien quand on est au plein milieu du fan club écossais des
Stranglers (venus en "bousss"), c'est qu'on entend bien les
paroles de chaque chanson, vu que tout le monde les hurle en chœur. Donc, un
peu d'inquiétude au niveau son au début, puis l'ingé-son arrive à couvrir la
foule déchaînée. Bon, il n'y a plus l'effet de surprise de la dernière fois à la
Cigale, le principe est identique, les Stranglers sont de retour avec ce son
immédiatement reconnaissable de leurs premiers albums, un son que finalement
personne n'a pour l'instant oser copier : une basse à la fois brutale et
virtuose, des claviers psychédéliques, une guitare minimaliste et saccadée, et
une voix porteuse d'ennui profond et de menace permanente. Comme la dernière
fois, Jet Black est remplacé derrière les fûts par son fort honorable roadie
("Je ne vous révélerai pas s'il s'agit de son fils bâtard", plaisante Jay Jay).
Comme la dernière fois, les claviers sont un tout petit peu trop en retrait du
point de vue volume sonore, malheureusement. Par contre, la voix est bien
claire, ce qui permet de constater que Baz Warne (les fans l'interpellent en
l'appelant "Vic", comme quoi sa ressemblance avec le héros de The Shield n'est
pas que le fruit de mon imagination...) est un chanteur digne de Cornwell,
reprenant fondamentalement l'essence du chant "stranglers" sans chercher trop à
le copier. Greenfield, presque invisible derrière ses claviers, se fend la
poire
pendant les trois quarts du concert, et a droit à ses cinq minutes de triomphe
sur Always the Sun, amusant les fans d'un petit gimmick musical. JJ
danse avec sa basse, félin et radieux - qu'il est loin le Burnel bête et méchant
des années 70-80 ! -, et continue d'incarner mieux que quiconque l'esprit des
étrangleurs.
Cette tournée a donc
adopté le principe d'un "best of", ce qui ravit tout le monde, et a donc presque
rempli une Olympia transpirante et enthousiaste (encore une différence notable,
positive celle-là, par rapport à la Cigale de la dernière fois...). Pourtant,
l'équilibre des morceaux est très semblable, avec un démarrage brutal par les
premiers hits de "l'âge du rat" (Get A Grip on Yourself en ouverture,
5 minutes hurlé en chœur par la foule, Peaches obscène et
provocateur comme aux premiers jours : "Is she trying to get of that clitoris ?
Liberation for women, that's what I preach"), un merveilleux Nice and
Sleazy qui rappelle que oui, "Black and White" est bien à jamais le
meilleur album des Stranglers, avant de se lancer dans les morceaux plus
complexes (The Raven), puis dans les tubes (Always the Sun
donc, Golden Brown, toujours pas très bon en scène malgré un excellent
solo de Baz à la fin), avant de revenir vers plus de dureté. Superbe version du
classique Walk on By (la meilleure que j'ai entendue sur scène, je
crois), la traditionnelle reprise des Kinks en pilotage automatique pour faire
plaisir à la foule (All Day and All Of the Night), un Tank qui
écrabouille tout - un fan écossais vêtu d'un kilt est autorisé à venir danser
avec le groupe sur scène... Double rappel, triple plaisir : Nuclear
Device, Something's Better Change, et logiquement No More
Heroes pour conclure... Au final, 1 h 25 un peu inférieures au concert de
la Cigale : un set clairement moins violent, malgré l'enthousiasme de la foule,
et puis il manquait à l'appel Death and Night and Blood, et London
Lady, qui avaient d'ailleurs été parmi les sommets de la fois précédente. Et
toujours pas trace de Toiler on the Sea, malheureusement !
Je sors de là en nage, broyé par la pression du "pack écossais" (même si tout cela s'est passé dans la plus grande courtoisie finalement...), Gilles se plaint encore plus de ses côtes qui avaient été éprouvées par les Kaiser Chiefs au même endroit... mais je me rends compte aussi que ma déprime et ma colère se sont envolées. Qui aurait cru en 1976 que les Stranglers, alors archétypes d'une musique hargneuse et malsaine, seraient devenus en 2009 une véritable pilule de bonheur ?
Vous trouverez l'intégralité de ce compte-rendu sur le blog des Rock'n'Roll Motherf***s !