QueenAdreena à la Maroquinerie le vendredi 16 janvier
Je ressens souvent une
certaine anxiété avant de revoir un groupe que j'aime vraiment sur scène,
anxiété redoublée ce soir pour QueenAdreena, tant j'ai fait du prosélytisme pour
ce concert : j'ai réussi à entraîner dans l'aventure Dan, Clément et Christophe
(au dernier moment, grâce à un billet en plus qui me restait...), et je n'ai pas
envie que mes amis soient déçus. Quant au reste de la bande, tout le monde ou
presque est là ce soir, en avance, en train de se réchauffer et de s'en jeter un
petit au bar de la Maro, mais là, pas de lézard, tout le monde connaît et tout
le monde est déjà "au taquet". Robert, qui a passé l'après-midi avec le groupe,
nous balance avec son humour habituel, la mauvaise nouvelle : changement de
batteur, exit donc le monstrueux et spectaculaire Pete Howard. Déception, inquiétudes. En
plus, Robert ajoute : "Ils sont fatigués par le voyage..". Gasp !
La Maro est bourrée pour notre Queen(Adreena) et ça, ça fait vraiment plaisir.
Et la ferveur du public - les habituelles filles en transe plantées devant Katie
Jane, lui saisissant la main à chaque occasion pour l'assister au long de son
douloureux chemin de croix, mais aussi tout le reste du public, cette fois - va
faire la différence par rapport aux précédents concerts auxquels j'avais
assisté. Car ce soir, et ce malgré ce nouveau batteur compétent (lourd et
puissant) sans plus, QueenAdreena va atteindre des sommets. Sur
In Red, comme toujours en quasi ouverture, giclée d'adrénaline brûlante
pour nous mettre sur les rails. Sur un Medicine Jar d'anthologie, qui
voit Crispin tutoyer les étoiles avec une série de solos aussi abrasifs que
lumineux. Sur une version enragée de Pretty Like Drugs, la meilleure
que j'ai vue pour l'instant sur scène (plié sur la scène sous la pression du
public qui tangue, je hurle, la voix cassée, et je vois du coin de l'oeil Gilles
B qui fait de même, et Dan, à côté de moi, dont le visage rayonne de bonheur).
Mais aussi pendant la quasi totalité du set, morceaux lents y compris, qui voit
la transe recherchée envahir peu à peu la salle, et les spectateurs entrer
littéralement en résonance avec le groupe. Ce soir, Crispin sourit tout le
temps, et Nomi, l'impressionnante bassiste (je l'adore, je l'adore !) entre elle
aussi dans le jeu : ce soir, au delà de Katie Jane qui est Katie Jane, il y a
devant nous un groupe brillant et littéralement habité par sa
musique.
Quelques petits problèmes dans la salle, quand deux abrutis
défoncés sèment le trouble à plusieurs reprises : un court pugilat pour les
repousser, avant que le premier ne se fasse expulser ; puis, plus tard, le
second monte sur scène, bouscule Katie Jane avant de baisser son pantalon pour
nous montrer ses couilles et sa pauvre petite bite bien molle, en nous
insultant. Ambiance ! Allez, ouste, dehors ! Pour le reste, tout ira bien, et le
plaisir sera total. Il faut noter une chose importante : ce soir Katie Jane
n'est pas en nuisette, mais porte une sorte de robe ultra-courte en plastique,
entre sac poubelle et couche pour bébé ! Mais sur elle, tout est seyant, et on
est quand même plus focalisés sur son visage, traversé de ces terrifiants
éclairs de folie pendant qu'elle se barbouille de rouge à lèvres, que sur ses
fesses (jolies, d'ailleurs) ou sur ses mini-seins qui finiront, comme souvent, à
l'air. Katie Jane fait donc son habituel spectacle "total", un spectacle dont on
ne se lasse pas, tant il mêle évocations des terreurs incontrôlables de
l'enfance et naufrages éperdus dans une schizophrénie douloureuse. Ce que fait
Katie Jane, c'est beau, ça fait peur, ça fait sourire aussi, c'est parfois
vraiment inspiré (la bouteille entre ses cuisses ce soir est une bouteille de
rouge, ce qui fait que les giclées qu'elle finit par envoyer évoquent le sang
menstruel...), ou dérangeant... Tandis que, derrière, la guitare de Crispin est
littéralement miraculeuse, ce soir, réussissant quasiment sur chaque chanson à
plonger le public dans l'hystérie en déversant sur lui un torrent brûlant de
lave.
Voilà, une heure vingt
plus tard, QueenAdreena se retire, après une version superbe de Pretty
Polly (habituel et délicieux fracas final, avec Crispin qui agite sa
guitare, portant le magique numéro 11 - tout comme la basse de Nomi -, dans tout
les sens et maltraite ses pédales d'effets), et un retour bizarroïde et
fascinant, peut-être non programmé (pas sur la set list en tous cas) qui voit
Nomi (à la guitare sèche !) et Katie Jane, accroupies face à face sur scène,
presque lovées l'une contre l'autre, psalmodier l'une de ces comptines malades
dont Katie Jane a le secret, rejointe ensuite par Crispin - qui doit tout
rebrancher son matériel après le chaos de Pretty Polly... Un rapide
coup d'oeil autour de moi, tout va bien, tout le monde semble ravi, même ceux
qui ont été aspergés par le nuage de vin rouge que Katie Jane a
généreusement fait pleuvoir sur nous... il faut dire qu'il y avait de quoi : les
qualificatifs sont tous superlatifs, ma voix menace de se briser à force d'avoir
trop hurlé, j'ai l'impression d'avoir un peu mal partout, et je pense que
quelques acouphènes viendront faire chanter ma nuit. On a du mal à se séparer
sur le trottoir de la Maro, on vient de vivre encore une fois (mais ce n'est pas
si fréquent que ça !) l'un de ces concerts vraiment exceptionnels qui nous
tiennent ensuite chaud au coeur et à l'âme des mois durant. Vincent dirait sans
doute : "mythique", mais je ne suis pas certain que nous soyons assez nombreux
sur cette planète à partager - et disséminer - le "mythe QueenAdreena" pour
ça...
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