The Divine Comedy à la Cité de la Musique le mardi 23 septembre
C'est quand Neil Hannon a entamé le set de Divine
Comedy par "Amsterdam", le classique francophone le plus apprécié par les
rockers anglais (on a eu Scott Walker, Bowie, et tant d'autres ensuite) que je
me suis souvenu que, ce soir, nous n'allions pas assister à un concert de Divine
Comedy - l'un des talents les plus brillants de la pop anglaise de ces 30
dernières années, et aussi les plus sous-estimés, d'ailleurs les autres
"Rock'n'Roll Motherf***s n'étaient même pas là ce soir...) - mais à une sorte de
soirée concept autour de l'amour - à mon avis immodéré, comme tout ce qu'il fait
- que Neil porte à la France (bon, Brel est Belge, mais les Anglais ne
s'arrêtent pas à ce genre de détail...). Tout avait pourtant bien commencé,
Sophie était arrivée tôt pour que nous soyons au premier rang, juste devant
notre idole (...bizarroïde, mais justement idole quand même...) et Pat s'était
trouvé une belle place au balcon qui lui permettait de surveiller à la fois Neil
Hannon et les mouvements désordonnés qui m'agitent lorsque je euh... danse. Bon,
je reviens à "Amsterdam", toute en platitude acoustique façon Bowie plutôt qu'en
graisse de moules-frites façon Brel, on ne peut pas dire que ça commence bien !
Mais ce diable de Neil enchaîne avec un "Europop" redoutable, speedé,
électrique, histoire de nous rassurer : c'est bien Divine Comedy qui est sur
scène... Pour immédiatement poursuivre avec "Poupée de Cire, poupée de Son" en
version post-Arcade Fire, moins Pixienne quand même, donc ni pop ni rock
: encore une fois, à mon humble avis, un hommage à côte de la plaque. On
comprend alors ce qui va se jouer ce soir : 50% de daube variétés française, 50%
de génie "scott-walkerien" d'un Neil Hannon au top, qui revisite les meilleurs
titres de son répertoire : dur dur pour mes nerfs !
Bon, ne faisons pas dans le détail : le pire a été
atteint lorsque Vincent Delerme est monté sur scène chanter en yaourt "Songs of
Love" - peut-être pour se venger de l'infâme gloubi-glouba que Neil Hannon a
fait des paroles malines de son "Anita Pettersen" quelques instants auparavant.
A ce moment-là, c'était tellement mauvais, tellement consternant, que je me suis
tâté pour ne pas quitter la salle. Remarquez que, question hors sujet grotesque,
on a encore eu droit après à une reprise scolaire et banale des "Copains
d'abord" (Brassens par Divine Comedy, cherchez l'intrus) sur laquel tout le
gentil public parisien chantait et tapait dans ses mains à contre-temps : on
était bien en France, et je n'avais qu'une envie, me ruer avec mon passeport à
l'aéroport pour prendre un vol pour un pays où il y a de la Musique, de la
vraie (l'Angleterre ou le Brésil, au hasard). Je rigole, mais l'entreprise
funeste de Neil Hannon n'a pas été totalement vaine : on a frémi sur une version
soufflante de "Initiales BB" (rebaptisée "Sexy BB") avec la diaboliquement sexy
Daphné en égérie brûlante, et on a littéralement décollé sur la reprise
improbable d'un classique de l'Eurovision 1967, "l'Amour est Bleu", cisaillé à
la telecaster, mélodie à la bêtise sublime magnifiée par la magie improbable du
rock'n'roll.
Heureusement, il y avait aussi ce soir les chansons
de Divine Comedy, et même les meilleures, la plupart d'une beauté asphyxiante.
C'est simple, la version de "When the Lights go out over Europe" a été ce que
j'ai entendu de plus beau, de plus bouleversant sur scène cette année : les
larmes remplissaient mes yeux, j'avais la chair de poule, et cela rachetait
largement toutes souffrances sadiques que Neil m'a infligées ce soir. Et puis
"Tonight We fly" a presque renouvelé le miracle, à la fin. Et puis, Neil et sa
bande sont revenus pour un second rappel non planifié, un magnifique "Something
for the Weekend" à la fois turbo-propulsé par l'enthousiasme des fans et
symphonique. Et ce fut fini : 1 h 55 d'un concert généreux, malicieux, original,
inventif, mais dont j'aurais personnellement sacrifié sans aucun regret une
bonne moitié, pour pouvoir mieux me concentrer sur les morceaux de pur génie que
sont "Alfie" ou "Generation Sex". Ah ! j'oubliais quand même d'ajouter que Neil
a effectué, comme toujours, son coming out - si j'ose dire -, débutant le set
dans son habituelle crispation, complètement figé dans son costard-cravatte et
derrière ses lunettes fumées, et le finissant en bras de chemise, guitar hero ou
presque, radieux, balançant ses vannes toujours délicieuses à tout bout de champ
: en un mot, parfaitement adorable. Et cette métamorphose-là, cette
"liberation", c'est encore une fois un bonheur d'en être témoins.
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