"L'Affaire du Dahlia Noir" de Steve Hodel
Entre un Ellroy, immense romancier torturé et méticuleux, lancé à l'éternelle recherche de l'assassin de sa mère, et Steve Hodel, grand flic du LAPD tout aussi méticuleux, égaré dans un labyrinthe d'indices fantasmatiques laissé par son père assassin, il y a le point aveugle de Elizabeth Short, le Dahlia Noir. Quand Steve Hodel conclut sa vie en résolvant (mais en est-on bien certain ?) l'enigme la plus célébre de l'histoire américaine, que reste-t-il des plus noirs troubles de nos nuits ? Un crime mythique, qui a engendré le plus grand écrivain policier moderne peut-il se réduire à une enquête fastidieuse, rabâchant sur 500 pages des âneries du type "traces de pensées" et allant tirer par les cheveux les coïncidences les plus fragiles, et à un fait-divers de plus ? Steve Hodel loupe finalement et son enquête - déjà faite, étouffée depuis longtemps, ça on veut bien le croire ! - et son livre : là où Ellroy aurait sans doute réalisé le portrait d'un monstre inoubliable - et un autre chef d'oeuvre -, il ne réussit qu'à dépeindre en creux la débâcle trop banale d'une famille préférant fermer les yeux sur le Mal qui la ronge. Ce n'est pas si mal, me direz-vous... Mais c'est dans nos têtes que l'horreur absolue s'invente, sans doute plus autour des partouzes incestueuses de la Franklyn House que du cadavre/oeuvre d'art de Betty Short. Pour lire la poésie violente de vies brisées, pour s'anéantir de la brutalité immonde d'une époque corrompue et d'une ville putride, "le Dahlia Noir" reste inégalable. Qu'importe la vérité de Steve Hodrel quand on a l'imagination de James Ellroy ?