The B-52's au Bataclan le vendredi 18 juillet
Ce vendredi 18 juillet à 22 h 00, il fait très très
chaud sur la "Planet Claire", et dans la salle du Bataclan, aux murs ruisselants
de condensation, on peut faire bouillir un "Rock Lobster" en le posant sur
n'importe lequel des spectateurs du concert des B52's : car, du premier rang (où
nous sommes installés, Gilles B, Brigitte, Sophie et moi...) au fond du balcon
(Robert s'y est réfugié pour prendre des photos et nous garantira qu'il y
faisait même encore quelques degrés de plus), le Bataclan danse et pogote dans
la plus folle gaîté. Sur scène, Cindy Wilson, devant moi, malgré le ventilateur
qui brasse l'air juste en face d'elle, me paraît régulièrement frôler le malaise
: il faut dire que Cindy, la cinquantaine franchie, a pris pas mal de poids, et
continue à s'agiter gracieusement dans un ensemble noir un peu trop serré pour
elle (voir ce gros ceinturon qui lui comprime le ventre rond et qu'elle finira
par enlever pour s'amuser à venir menacer de frapper Gilles...). Finalement,
tout cela est-il bien raisonnable ? Pas sûr...! Pourtant, malgré l'intensité
déraisonnable de la chaleur ce soir, personne autour de moi - même Brigitte qui,
fashion slave, est venue en escarpins à talons hauts, et ne sent plus ses
orteils depuis longtemps - ni personne sur la scène ne semble regretter d'être
là ce soir. Et si l'enchaînement "Planet Claire" / "Rock Lobster" était ce qu'on
a entendu de plus excitant cette année ? Et si les B52's, folle équipe gay qui
renvoie les Scissor Sisters dans leur placard à vêtements pailletés, revenue en
2008 au rock fun fun fun après des années d'égarement puis de silence, nous
avait donné ce soir leur meilleur concert, à l'exception notable de leur
inoubliable apparition au Palace, en 1979, en première partie de Talking Heads
?
Après le juvénile Eli Paperboy Reed il y a 3 jours,
je dois dire que j'ai eu un choc en voyant les idoles passées de la surf-music
apparaître sur scène : mis à part le sidérant Keith Strickland, véritable Dorian
Gray du rock (il a 53 ans et en paraît 35, si le fait d'être gay permet ce genre
de miracle, il va falloir nous y mettre tous... à moins qu'à Athens, Georgia, la
chirurgie plastique ne soit particulièrement performante ???), tout ce petit
monde s'est pris trente ans dans la figure et/ou autour des hanches, et cela se
voit !!! Le numéro de grande folle de Fred Schneider, à 57 ans, avec son fameux
"sprechgesang" à peu près inimitable, paraît encore plus surréaliste - ah, le
maniement du walkie-talkie sur "Planet Claire", tiens les larmes m'en
viendraient presque aux yeux, s'il n'y avait déjà la sueur qui les pique... -,
et la renversante Kate Pierson, qui, osons l'avouer, a dépassé les 60 ans,
évoque régulièrement une version délurée de votre grand-mère favorite (à vous,
les plus jeunes qui me lisent !) dans sa guépière et ses fishnet stockings. Mais
foin des années, les B52's sont revenus au rock, et appuyés par un backing band
qui déménage (mention spéciale à la bassiste black qui s'amuse comme une folle
derrière le quatuor) et un son excellent - voix un peu sous-mixées d'où nous
sommes, mais rien de dramatique - et bien fort (un soupçon d'acouphènes ensuite,
toujours un bon signe, ça !)... et la nostalgie n'a absolument rien à voir, dieu
merci, avec le plaisir que nous prenons tous. Gilles B saute sur place comme
s'il était agité de tics déments, et sur l'accélération hystérique - toujours
aussi imparable - de la dernière partie de "Rock Lobster", tout le monde dans la
salle pousse des cris d'animaux marins ("rrrrooooo" comme le narval, "bbbllll"
comme la raie manta, ce genre de choses). Putain de beau concert Rock'n'Roll
!
Bon, l'honnêteté me pousse à avouer quand même que
les 90 minutes n'ont pas toutes été au niveau de ce premier rappel hallucinant,
qu'il y a eu un bon passage à vide d'une vingtaine de minutes, entre chansons
tièdes des années 90 et éclipse passagère de Fred Schneider qui permet de
constater que, sans le jeu hilarant du dialogue garçon-fille permanent qui
hystérise leur musique, celle-ci ne tient pas aussi bien la route (je pense au
dernier single, "Juliet of the Spirits", hommage un peu plat à la merveilleuse
Giulietta Masina et son éveil à la sexualité dans le beau film de Fellini)...
Mais il y a eu aussi "Pump" en ouverture redoutable - prouvant qu'après un arrêt
de 16 ans, les B52's sont revenus avec quelque chose à dire, "Strobe Light" -
l'une de mes chansons préférées de toute la discographie des B52's -, "Party out
of Bounds" avec un public aussi déchaîné que la folle partie sous drogues et
alcool décrite par Fred, Cindy et Kate titubant sur scène, "Private Idaho" avec
son riff tranchant (je n'ai réalisé que plus tard que j'avais complètement zappé
sur le fait que Keith Strickland était, avant la mort de Ricky Wilson, le
BATTEUR du groupe ! il est tellement impérial ce soir qu'il est impossible de
soupçonner qu'il n'était pas dès l'origine responsable de ce merveilleux son de
guitare des B52's), la dance music radio friendly de "Love Shack"... Il y a eu
un concert finalement impeccable, aussi joyeux et généreux (Keith viendra à la
fin remettre personnellement un mediator à une petite fille à côté de moi et un
autre à Sophie...) que déjanté et intense.
Pour reprendre la formule consacrée, cruelle mais juste : ceux qui n'étaient pas là ce soir ont eu tort ! Ils auraient pris un bon bain de jouvence, sans parler bien sûr d'une belle séance de sauna en supplément ! Et ils auraient pu profiter d'un conseil impayable de tante Schneider : "Ne jamais aller au centre commercial sans s'être d'abord pris une bonne ration de drogues et/ou d'alcool" ! A bon entendeur...
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