Sous le charme de "Bons Baisers de Bruges"
Mal "marketé" comme film parodique, voire grossier, "Bons Baisers de Bruges" joue au contraire la carte d'une mélancolie aussi ténue que tenace, n'utilisant l'humour que comme "politesse du désespoir" : s'éloignant de la pyrotechnie verbale d'un Tarantino - certains dialogues, ainsi que le plaisir évident des interprètes évoquent bien entendu son cinéma -, comme des facilités d'un Guy Ritchie - les bizarreries furieuses de la totalité des personnages, qui risquent de tirer le film vers un burlesque contemporain un peu facile -, Martin McDonagh construit par petites touches d'une grande finesse le tableau contrasté de vies paradoxalement suspendues entre trivialité et aspiration envers une innocence perdue. Et lorsque les mécanismes de la tragédie se mettent en marche, et qu'on risque de retomber dans les travers du scénario implacable de n'importe quel polar, il est de toute manière trop tard pour que le film soit gâché : le spectateur est sous le charme de "... Bruges" (et de Bruges).