Manu Chao au POP Bercy le mercredi 11 juin
"Proxima estaçion : Esperanza" ! La foule y croit, tous
les bras sont levés, la musique est un gigantesque catalyseur d'enthousiasme,
tous les visages tournés vers la lumière irradient d'une sorte de joie enfantine
: c'est simple, le bonheur... Il suffit de conspuer ensemble Bush - en visite à
Paris demain - et de reprendre un refrain en espagnol qui chante la liberté et
l'honneur des pauvres. Et la régularisation des sans papiers. Je me sens quand
même un peu à distance de tout cela, même si les pulsations de la foule,
réagissant au quart de tour aux accélérations de la musique, sont régulièrement
euphorisantes. Non, quelque chose en moi résiste - malheureusement - à cette
transe trop prévisible, trop mécanique. Je n'ai aucun doute quant à
l'enthousiasme et la sincérité de Manu Chao, et j'adore la manière dont il a
"modernisé" (on pourrait dire "globalisé" mais ce serait une insulte à ses
opinions politiques) l'héritage de la musique latino (en bon Brésilien, je suis
plus dubitatif quant à ses incursions dans la musique - et la langue -
brésiliennes, fort éloignées de sa sensibilité). J'ai simplement du mal à vibrer
devant un show "rouleau compresseur" conçu pour les foules (... américaines
?).
Heureusement, après moins d'une heure, un premier break rétablit la
situation : Manu et sa bande disparaissent quelques instants et reviennent pour
un enchaînement de chansons plus lentes (magnifique "Clandestino", pour moi le
clou de la soirée), suivies de "rumbas", dont Manu déplore la disparition
progressive dans les rues de Barcelone ("La calle", poignant). A partir de là,
le show peut s'accélérer à nouveau, enchaîner des versions plus ou moins
réductrices des chansons les plus connues, je suis accroché au train de
l'espérance... Jusqu'à la fameuse station, avant le premier rappel. Je profite
des lumières superbes (magnifiques totems) sur la scène, de l'enthousiasme
général (les tribunes debout du début à la fin), de la générosité de la bande à
Chao, qui s'amuse visiblement à allumer le public un peu plus à chaque
fois...
... Et c'est là que le bât blesse à nouveau pour moi. A force de
simuler des sorties de scènes, de (faux) adieux, des présentations longuettes
des musiciens, d'intercaler des morceaux étirés et gonflés pour leur conférer un
statut de "clous du spectacle" qu'ils n'auront jamais (n'oublions pas que la
musique de Chao est avant tout fragile et aigrelette, et que c'est cela qui fait
une grande partie de son originalité et sa séduction), les ficelles me
paraissent de plus en plus grosses, la lassitude m'envahit. Pas besoin de ce
"gros show", non, décidément ! Alors, quand au bout de 2 h 35 de concert, après
être parti 3 fois et revenu 3 fois, Manu nous promet d'autres chansons, tirées
de "Sibérie m'était contée" (c'est-à-dire ce qui m'intéresse clairement le moins
dans son travail, un côté chanson à texte qui m'insupporte largement), je me dis
qu'il est temps que je tire, moi, ma révérence, avant que les quelques très
beaux moments de la soirée soient irrémédiablement gâchés...
Il est
minuit, et je sors de Bercy avec des sentiments, vous l'avez compris, mitigés.
Sans doute ce spectacle de Manu Chao a-t-il "payé le prix" de mon allergie pour
ce surdimensionnement excessif qui caractérise Bercy et les grands "shows" de
rock en général, mais je n'ai pas non plus retenu de tout cela une grande
sensibilité de la part de Manu, qui paraît se rêver finalement plus en
Springsteen qu'en Bob Marley (malgré les clins d'oeil répétés ce soir au dieu du
reggae..!). Qu'est-ce que je suis heureux à l'idée même de retrouver demain la
taille humaine d'un Elysée Montmartre pour un "vrai" concert rock
!
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