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Le journal d'un excessif
8 juin 2008

Queens of the Stone Age au Zénith de Strasbourg le 7 Juin

2008_06_QOTSA_043Il n’est que 20 h 40 quand Josh Homme et sa bande montent sur scène, dans la demi obscurité habituelle et sous les accents funky de Dance to the Music. Ce seront évidemment les seuls instants funk, ou disons dansants de la soirée : un peu plus d’un an après le concert de lancement de leur dernier album, « Era Vulgaris », à l’Elysée Montmartre, la musique de QOTSA a incroyablement changé : est-ce l’effet des tournées incessantes qui ont motivé les musiciens à chercher de la nouveauté, de l’excitation en revisitant les morceaux ? Est-ce une évolution de Homme, l’homme (ah ha) qui ne tient pas en place et va continuellement explorer de nouveaux territoires pour son rock – à mon avis loin aujourd’hui des accents « stoner », lourds, psychédéliques et sexués des débuts (je sais que Gilles, grand fan devant l’éternel du groupe, y voit plus de similitudes, mais bon, c’est mon opinion) ? Est-ce au contraire l’effet d’appropriation de la musique de Homme par sa « nouvelle » formation ? En tous cas les 9/10e2008_06_QOTSA_048 des morceaux sont absolument méconnaissables ce soir, et l'on doit se raccrocher à un riff, un break ou une phrase des paroles pour identifier la chanson "originelle". La musique de QOTSA semble s’être encore plus radicalisée, s’être réduite à une sorte de squelette d’acier secoué de convulsions aux rythmes de plus en plus complexes, quelques fois voire même inintelligibles au commun des mortels (un spectateur, hébété, avec qui je discutais à la fin du concert, me demandait si j’étais musicien, comme je lui semblais avoir apprécié le concert – pour lui, cette musique ne pouvait visiblement provoquer de l’intérêt que chez quelqu’un qui en aurait compris la construction mystérieuse…). On pourrait parler d’évolution vers la « musique industrielle », s’il 2008_06_QOTSA_064ne restait pas, heureusement, une forme de spectaculaire, mais aussi d’esprit « terrien » (down to earth) chez Homme, qui est quelqu’un dont le look « bûcheron du désert » (je viens d’inventer ça, mais je sais qu’il n’y a pas d’arbres dans le désert de Californie, si si !) dément l’intellectualisme évident de la musique. Bref, en un mot, pas sûr que le mot « plaisir » soit à l’ordre du jour ce soir, on parlera plutôt – pour ma part – de fascination, d’envoûtement : le son est incroyablement fort, au point que nos oreilles semblent entrer en résonance avec notre cerveau, jusqu’au seuil de la douleur, mais cette épreuve physique qu’il faut traverser, quand chaque couche de son semble une agression plus extrême encore contre la raison, est indissociable de l’intérêt que génère la musique de QOTSA. Il y a chez Homme et sa bande une capacité hallucinante à plonger le public dans une transe hébétée à coup de rythmiques brutales et de déchirures sonores incompréhensibles (la cerise sur le gâteau ce soir, était pour moi le travail des claviers, bien audible pour une fois, qui créaient un hurlement2008_06_QOTSA_051 psychédélique continu en fond sonore, sur lequel les guitares pouvaient se livrer à leur travail de déchiquetage), puis à monter d’un cran (Turning On the Screw, quel titre bien approprié) à l’occasion d’un break surprise ou d’un solo infernal. Le public – parlons-en – que nous craignions calme, est particulièrement déchaîné au centre de la fosse (assez loin de nous, ce qui nous préservera du chaos), et les videurs se verront forcés à un ballet incessant d’évacuations, entre les slammers déchaînés et les filles évanouies, le tout sous l’œil vigilant d’un Josh Homme qui surveille d’un oeil paternel « son » public (« Pas comme le public des festivals, qui ne vient pas QUE pour nous… », nous confiera-t-il) et veille à ce que le service d’ordre ne se comporte pas de manière trop musclée (il s’interrompra même au milieu d’une chanson pour appeler deux videurs au bord de la scène et leur intimer de faire preuve d’un peu de retenue !). Au milieu de ce maelstrom infernal de sons et de sensations physiques, le meilleur de la soirée sera pour moi l’enchaînement superbe de Little Sister (il y a eu ce moment grandiose où un solo virulent de Homme est venu vriller de l’intérieur la pulpe 2008_06_QOTSA_078brûlante de la musique, j’ai eu comme l’impression de visualiser la violence terrible qui dégoulinait de la sono), Battery Acid (celle-là, dans son radicalisme total, c’est la chanson qui illustre le mieux où en est aujourd’hui Homme, dans la réduction – au sens culinaire – de sa sauce à une sorte de venin, non, d’acide, c’est bien le terme, qui corrode le cerveau et produit des tremblements incontrôlables dans le corps de ses victimes), et Make It Wit’Chu (seul moment d’accalmie du concert, où Homme nous autorise une mélodie, un peu de légèreté : il commencera par nous inviter à nous lier avec nos voisins spectateurs, nous encourager à la séduction et à la fornication – oooh ! -, avant de nous dire que si notre voisine était sexy, il fallait la lui amener dans son lit à la fin du concert…). Après ça, replongée dans l’enfer, jusqu’à une version méconnaissable de Go with The Flow, la pédale d’accélérateur ayant traversé le plancher, le son ayant réussi à monter encore en puissance au point qu’il devient désormais impossible de percevoir la différence entre la voix et les solos de guitare, tous engloutis dans une saturation brûlante. Et c’est fini ! Rappel court et frustrant, qui se termine sur un Noone Knows lui aussi déstructuré et privé de sa mélodie – mais pas de son dévastateur solo final. C’est tout ! Pas de Feel Good Hit of the Summer, pas de Song for the Dead ! A ce stade-là, on ne peut malheureusement que parler de frustration, tant on aurait mérité, je pense, le réconfort de ces « tubes » après la brutalité du traitement qui nous a été infligé ce soir… 1 h 25 en tout et pour tout, ce qui n’est pas mal, mais laisse quand même une impression d’inachevé.

Retrouvez l'intégrale de ce compte-rendu sur le blog des Rock'n'Roll Motherf***s

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