Queens of the Stone Age au Zénith de Strasbourg le 7 Juin
Il
n’est que 20 h 40 quand Josh Homme et sa bande montent sur scène, dans la demi
obscurité habituelle et sous les accents funky de Dance to the Music.
Ce seront évidemment les seuls instants funk, ou disons dansants de la soirée :
un peu plus d’un an après le concert de lancement de leur dernier album, « Era
Vulgaris », à l’Elysée Montmartre, la musique de QOTSA a incroyablement changé :
est-ce l’effet des tournées incessantes qui ont motivé les musiciens à chercher
de la nouveauté, de l’excitation en revisitant les morceaux ? Est-ce une
évolution de Homme, l’homme (ah ha) qui ne tient pas en place et va
continuellement explorer de nouveaux territoires pour son rock – à mon avis loin
aujourd’hui des accents « stoner », lourds, psychédéliques et sexués des débuts
(je sais que Gilles, grand fan devant l’éternel du groupe, y voit plus de
similitudes, mais bon, c’est mon opinion) ? Est-ce au contraire l’effet
d’appropriation de la musique de Homme par sa « nouvelle » formation ? En tous
cas les 9/10e
des morceaux sont absolument méconnaissables ce soir, et l'on doit se raccrocher à un riff, un break ou une phrase des paroles pour identifier la chanson "originelle". La musique de
QOTSA semble s’être encore plus radicalisée, s’être réduite à une sorte de
squelette d’acier secoué de convulsions aux rythmes de plus en plus complexes,
quelques fois voire même inintelligibles au commun des mortels (un spectateur,
hébété, avec qui je discutais à la fin du concert, me demandait si j’étais
musicien, comme je lui semblais avoir apprécié le concert – pour lui, cette
musique ne pouvait visiblement provoquer de l’intérêt que chez quelqu’un qui en
aurait compris la construction mystérieuse…). On pourrait parler d’évolution
vers la « musique industrielle », s’il
ne restait pas, heureusement, une forme
de spectaculaire, mais aussi d’esprit « terrien » (down to earth) chez Homme,
qui est quelqu’un dont le look « bûcheron du désert » (je viens d’inventer ça,
mais je sais qu’il n’y a pas d’arbres dans le désert de Californie, si si !)
dément l’intellectualisme évident de la musique. Bref, en un mot, pas sûr que le
mot « plaisir » soit à l’ordre du jour ce soir, on parlera plutôt – pour ma part
– de fascination, d’envoûtement : le son est incroyablement fort, au point que
nos oreilles semblent entrer en résonance avec notre cerveau, jusqu’au seuil de
la douleur, mais cette épreuve physique qu’il faut traverser, quand chaque
couche de son semble une agression plus extrême encore contre la raison, est
indissociable de l’intérêt que génère la musique de QOTSA. Il y a chez
Homme et sa bande une capacité hallucinante à plonger le public dans une transe
hébétée à coup de rythmiques brutales et de déchirures sonores incompréhensibles
(la cerise sur le gâteau ce soir, était pour moi le travail des claviers, bien
audible pour une fois, qui créaient un hurlement
psychédélique continu en fond
sonore, sur lequel les guitares pouvaient se livrer à leur travail de
déchiquetage), puis à monter d’un cran (Turning On the Screw, quel
titre bien approprié) à l’occasion d’un break surprise ou d’un solo infernal. Le
public – parlons-en – que nous craignions calme, est particulièrement déchaîné
au centre de la fosse (assez loin de nous, ce qui nous préservera du chaos), et
les videurs se verront forcés à un ballet incessant d’évacuations, entre les
slammers déchaînés et les filles évanouies, le tout sous l’œil vigilant d’un
Josh Homme qui surveille d’un oeil paternel « son » public (« Pas comme le
public des festivals, qui ne vient pas QUE pour nous… », nous confiera-t-il) et
veille à ce que le service d’ordre ne se comporte pas de manière trop musclée
(il s’interrompra même au milieu d’une chanson pour appeler deux videurs au bord
de la scène et leur intimer de faire preuve d’un peu de retenue !). Au milieu de
ce maelstrom infernal de sons et de sensations physiques, le meilleur de la
soirée sera pour moi l’enchaînement superbe de Little Sister (il y a eu
ce moment grandiose où un solo virulent de Homme est venu vriller de l’intérieur
la pulpe
brûlante de la musique, j’ai eu comme l’impression de visualiser la
violence terrible qui dégoulinait de la sono), Battery Acid (celle-là,
dans son radicalisme total, c’est la chanson qui illustre le mieux où en est
aujourd’hui Homme, dans la réduction – au sens culinaire – de sa sauce à une
sorte de venin, non, d’acide, c’est bien le terme, qui corrode le cerveau et
produit des tremblements incontrôlables dans le corps de ses victimes), et
Make It Wit’Chu (seul moment d’accalmie du concert, où Homme nous
autorise une mélodie, un peu de légèreté : il commencera par nous inviter à nous
lier avec nos voisins spectateurs, nous encourager à la séduction et à la
fornication – oooh ! -, avant de nous dire que si notre voisine était sexy, il
fallait la lui amener dans son lit à la fin du concert…). Après ça,
replongée dans l’enfer, jusqu’à une version méconnaissable de Go with The
Flow, la pédale d’accélérateur ayant traversé le plancher, le son ayant
réussi à monter encore en puissance au point qu’il devient désormais impossible
de percevoir la différence entre la voix et les solos de guitare, tous engloutis
dans une saturation brûlante. Et c’est fini ! Rappel court et frustrant, qui se
termine sur un Noone Knows lui aussi déstructuré et privé de sa mélodie
– mais pas de son dévastateur solo final. C’est tout !
Pas de Feel Good Hit of the Summer, pas de Song for the Dead !
A ce
stade-là, on ne peut malheureusement que parler de frustration, tant on aurait
mérité, je pense, le réconfort de ces « tubes » après la brutalité du traitement
qui nous a été infligé ce soir… 1 h 25 en tout et pour tout, ce qui n’est pas
mal, mais laisse quand même une impression d’inachevé.
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