MGMT au Bataclan le mercredi 28 mai
Le Bataclan est déjà une
étuve, comme d'habitude, bien avant que le concert ait commencé, ce qui veut
dire que nous allons tous souffrir, nous comme MGMT : la rançon de la gloire
(concert sold out ce soir, et depuis longtemps) pour nos deux gandins
psyché-pop, dont je dois dire que j'attends avec une vraie impatience la
traduction sur scène de leur très bel album. Une bonne impression déjà en
regardant les roadies s'affairer sur scène : ce soir, MGMT n'est pas un duo de
nerds sur leurs machines, touchés par la grâce pop, mais un vrai groupe de rock,
avec guitares et amplis, et tout et tout.
Et de fait, ce à quoi nous
allons assister n'a pas grand chose à voir avec la pop légère et inspirée de
l'album : non, la première demi-heure de la soirée voit des interprétations très
rock 70's, psychédéliques en diable - voire lysergiques, dirait Gilles P s'il
était là - des chansons, rendues presque méconnaissables, d'autant que la voix,
malheureusement en retrait restera quasi inaudible toute la soirée durant. Une
fois passée "Week end Wars" en ouverture, c'est une plongée en apnée dans le
passé auquel MGMT nous convie : toutes les chansons sont étirées, distordues,
percées de part en part de longues interventions à la wah wah ou à la slide du
guitariste solo. Difficile de rentrer dans la musique, même si l'on est
forcément admiratif devant la métamorphose pour le moins audacieuse ! Alors on
s'accroche surtout au spectacle du chanteur assez craquant (est-ce lui, Ben ou
bien est-ce Andrew ? j'aimerais bien qu'on me le dise...), dans sa robe tunique
très féminine, qui fait visiblement fondre les trois quart du public féminin. Il
fait déjà une chaleur infernale, les musiciens ruissèlent, et la musique,
pourtant relativement forte d'où nous sommes placés, Gilles B, Cécile, Alice et
moi au premier rang, est régulièrement couverte par les hurlements hystériques
des filles.
Et puis voici un break funky avec l'irrésistible "Electric
Feel", trop lourd, trop massif ce soir pour danser, mais... qui se met d'un seul
coup à décoller : ça y est, le groupe a trouvé après 35 minutes son rythme, sa
puissance qui déferle sur nous. On comprend alors l'essence de MGMT, cette vague
sonore psychédélique... Et on comprend aussi pourquoi d'un coup, Andrew (ou Ben
?) sourit. "Time to Pretend", et c'est la folie absolue dans la salle. Ce n'est
pas possible, ce n'est pas le même groupe, ce n'est pas le même public, le même
concert ! Les musiciens rayonnent de bonheur, c'est le chaos absolu dans la
salle, les slammeurs envahissent la scène, la chaleur est terrible, nous sommes
broyés, piétinés, tout le monde hurle : MGMT est grand, à ce moment-là, très
grand même... Ensuite, c'est le reflux, on se calme peu à peu, même le final de
"The handshake", que j'aime particulièrement ne nous fait plus décoller. Le
groupe quitte la scène au bout de 50 minutes... et revient pour un rappel
absurde : un long morceau inconnu, qu'on ne peut que qualifier de
"progressif"... on se croirait sur un disque de Genesis de la "grande époque",
expérimentation, pop baroque, micro-symphonies destructurées, on a droit à tout
! C'est à la fois fascinant, ennuyeux, ambitieux, du n'importe quoi en fait ! La
question se pose : MGMT ont-ils du culot, de l'inconscience, du
génie ?
Et, encore une fois, tout change : les musiciens quittent la
scène, Andrew et Ben restent seuls avec "des bandes", et c'est le monstrueux et
divin "Kids". Andrew et Ben chantent et bougent comme des rappers, on est dans
un monde différent, on a fait un bond de 30 ans en avant dans l'histoire de la
musique,... et le public bascule à nouveau dans l'hystérie ! Mes lunettes
volent, je les rattrape à temps... L'appareil de Gilles part aussi en vrille
alors qu'il filme. Andrew (qui a enlevé sa chemise de nuit - merci, Cécile, pour la confirmation du prénom ! - et est torse nu - Alice trouve qu'il
a grossi depuis les clips...) et Ben (qui a gardé son pyjama), l'un à la suite de l'autre, effectuent un
impeccable stage diving. Pendant qu'ils voguent sur le public en furie, le
guitariste revient nous livrer un dernier solo incendiaire. Et c'est fini
!
Entre les filles qui pleurnichent d'avoir pris des coups et perdu des objets dans la mêlée, et quelques tarés qui voudraient encore que tout cela dégénère alors que la salle se vide, on a l'impression que quelque chose de bizarre s'est passé : nous avons vu à la fois un concert frustrant, bancal, inachevé, et pourtant indiscutablement fort et original. Une rencontre à demi réussie entre un public fanatique et un groupe qui se cherche ? Nous n'avons pas trop envie de retourner tout de suite dans la réalité, il faut que la pression retombe.
Alors, MGMT ? ça reste une énigme. Et c'est finalement très bien comme ça !
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