Nits à l'Alhambra le vendredi 16 mai
La scène, comme souvent avec les Nits, est décorée
avec originalité et cette touche d'humour qui a toujours ensoleillé leur musique
: pour cette tournée, nous avons droit à une multitude de lampes "de maison",
depuis la lampe de chevet la plus ringarde à celle de salon la plus moderne.
Petite surprise quand les Nits entrent en scène, Henk va s'asseoir sur un
tabouret et entame la première chanson, déchaîné sur sa guitare électrique...
mais assis ! Il expliquera plus tard qu'il a "le pied comme un éléphant", et
qu'il est donc cloué sur sa chaise "par solidarité avec nous". La première
chanson, justement, une version magnifique - sans aucun doute la plus belle que
j'aie entendue - de "Two Skaters", subtile, déconstruite, puissante, à la fois
abstraitement mélancolique et menaçante : bref, les
Nits comme on les a toujours
adorés sur scène (bien plus que sur disque...!), virtuoses, intenses et élégants
tout à la fois.
La suite, après cette introduction assez radicale, est à
la fois plus conventionnelle et pourtant surprenante : ce soir Henk, Robert
et Rob vont nous jouer la quasi intégralité de leur dernier album, à peine
ponctué d'assez rares (8 en tout) interprétation de "classiques"... tous
magnifiques ("Cars and Cars", sublime, "Dutch Mountains" puissant, "Nescio" tout
en grâce et en subtilité, "Adieu Sweet Banhoff" en douceur pour faire chanter la
foule...). Ce dernier album, qui m'avait laissé plutôt froid - il y a tant de
merveilles de nouveaux artistes qu'il n'est pas facile de continuer à suivre la
carrière d'un groupe formé en 1974 ! - gagne clairement à être interprété en
live, avec humour, émotion, flamme parfois... mais il est indéniable qu'il y a
une poignée de titres qui ne sont pas impérissables, et qui font retomber
"l'ambiance" (pas terrible l'ambiance, d'ailleurs, le public étant
remarquablement calme face à la jolie énergie des Nits !).
Henk, dont le
visage me semble de plus en plus marqué par la souffrance au fur et à mesure que
la soirée avance, réussit quand même à être gentiment drôle, en contant la
genèse de certaines chansons : on n'oubliera pas de si tôt la rencontre de Louis
XIV (dont on reconnaît le pouvoir au fait que Ikea vend encore "ses chaises"
aujourd'hui) et d'Elvis dans les cuisines de Versailles, ni celle du batteur
d'Uriah Heep (groupe très poli dont les roadies ressemblent à des orques... déjà
morts !) soucieux de sa mise en pli avec un loup-garou allemand dans une
cathédrale souterraine ! Les Nits, c'est aussi beaucoup ça, cet humour décalé,
magique même, qui porte la musique vers "autre chose", de plus délicat parfois,
de plus absurde certainement.
Deux rappels qui creusent obstinément le
même sillon, consacrés encore à "Doing the Dishes" : à noter une reprise
atmosphérique des "Nuits", et une surprenante version très rock de "Twins",
consacré aux Kray Brothers - d'après Henk, quelque part entre les Sopranos et
The Kinks. Presque 2 heures 10 de concert, on sent que Henk n'en peut plus, et
ce n'est pas la peine d'espérer un troisième retour. Au final, malgré la salle
trop calme (l'effet "sièges", mais aussi ce public assez bizarre, que j'ai senti
moins passionné qu'il y a quelques années quand les Nits avaient un groupe
important de suiveurs fanatiques, et clairement pas concerné par l'aspect "rock"
de leur musique), et le choix courageux de ne pas jouer la carte de la nostalgie
ce soir, les Nits ont encore prouvé qu'ils vieillissaient élégamment, qu'ils
restaient toujours un groupe exceptionnel - certaines de leurs compositions
pouvant même prétendre au panthéon de la pop music -, même si toujours (et sans
doute à jamais) confidentiel.
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