The Breeders à la Cigale le vendredi 18 avril
Il est 20 h 45 quand les soeurs Deal (joli nom !)
montent sur une scène qui ressemble plus à un joyeux capharnaüm qu'à une scène
"professionnelle" : les amplis guitares et basse sont alignés face à nous, très
près du bord de la scène (bon pour nos oreilles, ça !), ne laissant que peu
d'espace pour les musicien(ne)s alors que tout l'arrière de la scène profonde de
la Cigale paraît dégagé, et la batterie est reléguée tout au fond, sur la
droite, presque derrière les amplis. Dans le fond est tendu un grand logo pas
très convaincant, et devant l'emplacement prévisible de Kim Deal, un petit ampli
est placé comme un retour, dirigé vers la scène... bizarre bizarre... Et
finalement, ce gentil bordel est parfaitement annonciateur de ce que sera le
concert auquel nous allons assister : car Kim et Kelley, déchaînées et hilares,
nous ont en fait tous invités ce soir chez elles, dans leur cuisine de ménagères
américaines à la limite du white trash. Tout cela n'est ni propre, ni net, juste
un joyeux bordel - instruments d'occase qu'on s'échange, discussion permanente
entre les deux soeurs qui se chamaillent (gentiment) sans aucune gêne devant les
spectateurs, ratés nombreux dans l'interprétation des morceaux (on a toujours
été habitués, même à l'époque des Pixies, à beaucoup d'approximation dans le jeu
de basse et le chant de Kim Deal !) -, mais un bordel qui met littéralement le
coeur en joie. On se dit alors que la musique, ça devrait toujours être comme
ça, loin de tout professionnalisme, dans l'inspiration du moment, avec cette
sorte de rayonnement d'un bonheur visible, d'une complicité totale entre les
deux soeurs, complicité qu'elles étendent généreusement, mais sans façons, au
public - voir les vannes constantes qui s'échangent entre Kim et les
spectateurs...! Si on avait l'esprit mal placé, on pourrait penser que cette
joie presqu'enfantine de jouer, d'être applaudies avec autant d'enthousiasme par
une Cigale littéralement "emballée", vient peut-être d'une sorte de soulagement
: de la simple satisfaction d'être encore là, en 2008, avec une musique sans
concessions ni enjeux, après avoir survécu aux drogues, à l'alcool et au succès
du retour des Pixies. Oui, c'est exactement, un concert de survivantes, de
revenantes, d'où tout souci semble désormais avoir été banni. Du pur plaisir de
musique...
... et quelle musique ! Car ce soir, pour ceux qui
n'étaient pas en Mai 1989 au Town & Country Club quand les Pixies ont lâché
sur nous la bombe à fragmentation "Doolittle", eh bien c'était exactement comme
ça : raide, sec, nerveux, bref, intense... rien à voir avec ce que Frank Black
et sa bande nous ont fait depuis 2004, répétons-le ! La claque, le bonheur quoi
: ça pogote furieux dans la salle, les oreilles commencent à nous chauffer,
surtout quand Kim branche sa guitare euh... acoustique avec ce petit ampli à
l'envers dont nous avons déjà parlé (quel son magique, mon dieu !), ce sont des
déflagrations de moins de deux minutes en moyenne, juste le temps de déguster
quelques riffs tranchants à 200 à l'heure, juste le temps de se remémorer la
chanson quand il s'agit d'une ancienne - ça fait quand même un bail qu'on n'a
pas écouté "Last Splash", à part "Cannonball", bien entendu ! -, et on passe à
la suivante. Les Pixies, je vous dit. Bon, les compositions ne sont en général,
on le sait, pas à la hauteur de celles de Frank Black, mais l'esprit, bon dieu,
le foutu esprit est là et bien là, lui ! Et puis, il y a eu bien sûr
"Cannonball", toujours époustouflant, pour moi l'une des chansons les plus
viscéralement excitantes jamais écrites, excusez-moi du peu : à côté de moi qui
délire, tout en me concentrant pour essayer de garder longtemps le souvenir de
ces brèves minutes de plaisir intense, Gilles B filme, pour qu'on en garde quand
même une trace, de tout ça, de toute cette force inouïe du rock'n'roll joué par
deux ménagères pas soignées et plus très sveltes, mal fagottées, s'émerveillant
toujours d'avoir réussi à jouer chaque morceau sans trop se planter... On a
aussi hurlé en coeur : "Mother Superior Jumps the Gun", sur la géniale reprise
de "Happiness is a Warm Gun", que, j'espère John Lennon a pu entendre d'où il
est en ce moment (où que cela puisse bien être...). Au final, après un
"Hellbound" aussi approximatif que, finalement, parfait, on a du les laisser
quitter la scène, après ce set trop court, mais, au vu des visages radieux de
tout le monde, absolument impeccable.
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