Editors au Bataclan le lundi 7 avril
Ce
soir, pour Editors, notre petite bande est renforcée de nombreux membres
additionnels - Christophe et Elisabeth, Florence, une copine de Gilles B, par
exemple -, preuve que Editors est une "valeur montante" du rock, asseyant sa
popularité sur ses chansons époustouflantes. Ce soir, l'enjeu pour moi est
important, après un concert au festival des Inrocks techniquement impeccable
mais manquant de ce supplément d'âme qui fait les grands concerts... et les
grands groupes. Je suis donc là donc pour voir si Editors peut devenir l'un des
grands groupes des années 2000... Au premier rang, à côté de moi, les
inévitables minettes / groupies qui, elles, ont déjà décidé qu'Editors était LE
groupe de leur vie, avec cet enthousiasme sympathique qui fait toujours beaucoup
pour qu'un concert baigne dans la juste ambiance.
Entrée en scène
impressionnante d'Editors, solennelle comme il se doit de la part d'un groupe
qu'on a "catalogué" - ouh le vilain mot - comme rejeton de Joy D. Tom
Smith interprète le premier morceau (extrait du premier album, dont je ne
connais pas que les chansons "anthémiques") depuis le fond de la scène, les
autres musiciens sont dans l'obscurité, ils vont d'ailleurs y rester pendant les
1 h 20 du concert, ce qui ne facilitera pas les photos. Après ce premier morceau
de mise au point, le concert démarre vraiment, avec "An End Has a Start" : le
son est beau et clair, même si, placés comme nous sommes, juste devant la sono,
nous sommes surtout balayés par sa puissance -, les lumières minimales mais très
souvent impressionnantes, et, immédiatement, on retrouve cette intensité
permanente du chant, de la musique, qui fait que l'on aime Editors (ou
pas).
Il n'y aura pas
une baisse de tension pendant l'heure qui va suivre, mais un flux ininterrompu
de chansons parfaites, les deux albums étant joués dans leur quasi intégralité,
en alternant les brûlots plus durs du premier ("Blood", "Bullets", "When Anger
Shows", et surtout, juste avant le rappel, "Fingers in the Factories" avec son
refrain martelé) et les hymnes pétrifiantes de beauté du second (il faudrait
toutes les citer...). Avec, au milieu, une reprise étonnante mais impeccable
du "Lullaby" de Cure ! Meilleurs moments de la soirée pour moi : un "All
Sparks" sautillant, presque joyeux (disons, joyeusement mélancolique plutôt que
sinistrement austère comme souvent les grandes chansons d'Editors), une belle
version quasi-acoustique de "Push Your Head Into the Air", et, pour ouvrir le
rappel, les - toujours stupéfiants - cris de panique ("Retreat " Retreat !), de
"Bones", pour moi le moment où Tom Smith évoque le plus le spectre
maladroit et convulsif de Ian Curtis... avant une interprétation apocalyptique
et fracassée d'un morceau que je ne connais pas non plus (d'après la set list "U
R Fading"...), pendant lequel les musiciens se laissent vraiment aller et la
musique devient - enfin - réellement frénétique.
Car, malgré
l'enthousiasme et l'émotion que génèrent systématiquement en moi les GRANDES
chansons (oui, je sais, je me répète) d'Editors, malgré la voix magnifique de
Tom Smith et la Rickenbaker enchantée de Chris Urbanowicz - juste en face de
nous ce soir, minet à la bouille angélique, condamné à l'obscurité au sein de
laquelle il tisse sa toile avec une légèreté gracieuse jamais en défaut -, et
même si, ce soir, le concert est clairement supérieur au set de la Cigale, il
subsiste une infime retenue - peut-être inévitable vue la complexité de la
musique ? - qui maintient de justesse les prestations d'Editors en deça du
"mémorable", du "légendaire". Comme si, pour revenir à l'oeuvre qui sert de
matrice à leur musique toute entière, on n'avait finalement affaire qu'à une
version assainie, magnifiée (les mélodies, le souffle lyrique) mais
paradoxalement diminuée, de l'oeuvre au noir de Joy
Division.
Mais bon, trêve
de réserves, si tous les concerts étaient beaux comme celui de ce soir, nous
serions tous plus heureux. D'ailleurs, arrivé à 18 h 30 avec le moral pas bien
haut avec la neige fondue qui se déversait sur la queue transie devant le
Bataclan, je repars quatre heures plus tard, bouleversé par le sentiment que la
vie est un magnifique bouquet d'émotions froissées : "Well be careful angel /
this life is just too long / All sparks will burn out / All sparks will burn out
/ In the end"... En attendant de nous éteindre à jamais, brûlons de mille feux -
éphémères mais resplendissants - de joie.
L'intégralité de ce compte rendu se trouve bien sûr sur le blog des Rock'n'Roll Motherf***s !