The Bishops à la Maroquinerie le Dimanche 6 Avril
Pour les Bishops, après la montagne de matériel de
Crippled Black Phoenix - quel nom quand même ! -, qui a joué avant eux, la scène de la Maroquinerie parait presque vide,
entre l'ampli riquiqui de Mike (un "mini-Fender", rigole Gilles B), la batterie
assez minimale de Chris (le "mad scottish drummer" blond, souriant et
enthousiaste, au point de quelques plantages qui ne perturberont pas la bonne
humeur des jumeaux Bishops) et, à l'autre bout de la scène, l'ampli de basse du
frérot Pete : tant mieux, Mike va avoir de la place pour bouger, sauter, bref,
faire toutes ces choses qu'il adore visiblement faire pour s'amuser. Car une
heure de concert des Bishops, c'est avant tout une heure de pur plaisir, et en
tant que telle, difficile à décrire. Car tout ici est "simple", clair (dans un
sens "ligne claire", pour les amateurs de BD qui me comprendront - quelque part,
je me dis que voilà un groupe dont le génial Serge Clerc aurait parfaitement
narré l'histoire sans histoires à la grande époque de Metal Hurlant...) : la
musique revisite une sorte d'époque bénie du début des sixties, quand Mick,
Brian et Keith inventaient la pop anglaise à frange sur les bases de la musique
nègre, et prolonge avec une élégance certaine les tentatives -
pour la plupart
plus lourdes - des Dr Feelgood, Inmates et autres Godfathers des décennies
précédentes. Ajoutez les costumes noirs, cravates noires et fines, pompes
pointues et bien cirées, chemises blanches, ainsi que le jeu de scène électrique
et les chansons électrocutées en deux minutes trente, et vous obtenez un sorte
de précipité de rock intemporel, d'une classe folle... mais qui, visiblement, ne
passionne pas le public, vu la maigre assistance ce soir. Sans doute manque-t-il
aux jumeaux Bishops une sorte de profondeur, un contexte, presque une "réalité",
qui stimule l'imagination et excite autrement que physiquement : c'est cette
perfection "à plat" - une fois de plus, je pense à la BD en Noir & Blanc des
grands stylistes comme meilleure manière d'illustrer The Bishops - qui fait à la
fois le charme (pas de prise de tête, juste de l'élégance et du plaisir) et les
limites ("so what...?") du groupe. Je suis
incapable, même si j'ai pas mal écouté le premier album des frères, de citer
aucun des titres joués ce soir, et pourtant je connais chacun des riffs, chacun
des refrains entraînants, comme si je les avait toujours connus : nous sommes
ici dans l'univers des "standards", à la fois immortels et détachés de tout
affect. Nous sommes ce soir dans le pur et simple bonheur de jouer et d'écouter
du rock... Mike dégage une gentillesse et
une joie communicatives, et c'est un
délice chaque fois qu'il esquisse quelques pas de danse, quelques mimiques
complices envers son public avant de prendre un solo ou d'envoyer une nouvelle
rafale de riffs. Mais c'est encore plus savoureux de regarder ces deux jumeaux,
chacun à une extrémité de la scène, qui, peut-être sans s'en rendre compte,
adoptent au même moment la même attitude, la même gestuelle, bougent au même
rythme, créant ainsi un effet chorégraphique d'autant plus touchant qu'il paraît
naturel, spontané...
Vous me direz qu'une heure plus tard, au moment de
ressortir dans la nuit glacée, nous me sommes pas forcément beaucoup plus
avancés - je réalise qu'aucune chanson ne m'est restée dans la tête, qu'il n'y a
d'ailleurs eu aucun moment vraiment intense durant le concert des Bishops,
peut-être faute au son qui aurait pu, qui aurait dû être plus fort -, je vous
répondrais que, oui, "It's Only Rock'n'Roll, but I Like It".
Le compte rendu complet de la soirée se trouve sur le blog des Rock'n'Roll Motherf***s, bien sûr !