Festival des Inrockuptibles au Zénith le Lundi 12 Novembre
Une annulation au dernier moment de mon voyage sur
Lyon, et me voilà retrouvant Gilles B devant le Zénith pour la 3ème soirée
consécutive du Festival des Inrocks. Il fait froid ce soir, et le public est
très clairsemé dans un Zénith en petite configuration... ce qui nous permet
quand même d'accéder au premier rang, malgré notre arrivée tardive... Donc ne
nous plaignons pas !
19 h 00 : These New Puritans débarquent et ont effet
des têtes de moines, d'autant qu'ils n'ont pas l'air d'être là pour rigoler. Le
son est médiocre, d'assez faible niveau, hormis les basses du synthé, ce qui
limite quand même l'intérêt de la chose. Pour ce que nous pouvons en discerner,
certains morceaux apparaissent assez intéressants, quelque part entre du Devo
modernisé (electro) et du Wire trépané ("on n'entend pas la guitare !") : des
rythmes syncopés et une voix lugubre et désincarnée, avec un phrasé très hip hop
par instants. Le concept parait intéressant, mais c'est tout ce qu'on peut en
dire, vues les conditions sonores, et une certaine paralysie (le stress de jouer
devant une salle vide ?) qui semble avoir gagné les (très jeunes) musiciens. 25
minutes.
DIOYY ? Does It Offend You, Yeah ? Pas vraiment, même si le
niveau sonore, définitivement corrigé après le premier groupe, provoque des
sensations douloureuses du fait d'infra-basses dévastatrices ! DIOYY? est un
groupe schizophrène, qui passe de l'electro informe (pas forcément ce qui
m'excite le plus, malgré une indéniable puissance...) à une revisite techno du
Devo (encore ! C'était la soirée...) de "Whip It", le tout en s'imaginant jouer
dans Nirvana.... donc avec chaos final, plutôt marrant d'ailleurs quand le
bassiste s'effondre sur le kit de batterie, l'explosant dans tous les sens.
Assez sympathique en fait, même si je doute fortement que ce soit là l'avenir -
ou même le présent - de la musique ! (30 minutes)
20 h 45 : I'm from
Barcelona nous promettent la fête pour leur dernier concert de cette tournée et
ça va être la fête : dès le deuxième morceau, Emanuel Lundgren exécute le stage
diving le plus spectaculaire que j'aie jamais vu, je crois, de plusieurs mètres
de hauteur et de longueur... sur une foule certainement pas assez dense pour que
tout le monde s'en tire sans bobo ! Et pourtant, il n'y aura que quelques
écorchures, et Emanuel remonte sur scène pour 3/4 heures de fun furieux. Combat
ininterrompu de ballons, canons à confetti, refrains hilarants et addictifs
repris par le Zénith tout entier, impossible de ne pas partager cette gaîté
communicative que IFB se sont visiblement donnés pour mission de propager sur la
planète ! A priori (Gilles a trouvé le moyen de les compter, même s'ils
n'arrêtaient pas de bouger !), 23 personnes sur scène, pas mal d'instruments en
tous genres, un bordel noir vu que tout le monde est plus occupé à renvoyer les
ballons au public qu'à jouer et chanter juste. Mais comme le public est lui-même
plus occupé à rattraper ces ballons et à se marrer, il n'y a pas de problème,
n'est-ce pas ? Final gigantesque, qui n'en finit d'ailleurs pas, puisque le show
s'étend en "after show" techno sur scène, en distribution de poignées de main
par Emanuel (Gilles et moi avons été honorés !), puis en vente de t-shirts et
slips kangourous à la marque IFB. Inénarrable, et un sacré moment de bonheur...
même si, quand on se donne la peine d'écouter les textes d'Emanuel, on ne peut
pas ne pas remarquer une vertigineuse angoisse existentielle, qui explique
beaucoup de ce geste "suicidaire" de se jeter dans la fête à corps
perdu.
Après la tornade, les roadies se muent en femmes de ménage pour enlever
les kilos de confetti qui noient la scène, et pour pouvoir installer le matériel
de Bloc Party... Comme nous sommes à quelques centimètres du S.O. (très peu
d'espace entre la barrière et la scène ce soir, curieusement), nous entendons
que Kele Okereke se livrera à un slam pendant l'avant-dernier morceau du
concert, lors du rappel. Tu parles d'une spontanéité, la différence avec
l'impulsivité désespérément joyeuse d'Emanuel Lundgren est frappante ! Mais la
suite me fera changer d'avis, car Bloc Party, dont je n'arrive pas à trouver la
musique intéressante malgré son succès populaire croissant (des dizaines de
minettes énamourées se pâment autour de nous au premier rang !) se révèlera un
beau groupe de scène, avec même une classe et une générosité rares. Il est 22 h
15 quand Kele et ses 3 acolytes attaquent leur set, et nous devons nous résigner
à une clôture tardive des hostilités ce soir. Il est immédiatement clair que
Kele, avec sa sensualité radieuse, sa gentillesse et sa drôlerie (je pense par
exemple au dialogue imaginaire qu'il entamera avec deux spectatrices assises sur
les gradins au fond du Zénith, aux quelles il reproche de discuter "de choses
sans doute très importantes" au lieu de prendre du plaisir à écouter Bloc Party
!), et surtout son charisme immédiat, est bien une star-née - tranchant
d'ailleurs avec la pâleur d'endives de ses trois acolytes, Anglais transparents
au look typique de musicien indie. Impossible de le quitter des yeux pendant les
80 minutes d'un concert souvent puissant, parfois lumineux, toujours tranchant
et rageur. Le son est devenu, au fil des morceaux, excellent : fort et clair. La
voix de Kele s'est heureusement éloignée sur les nouveaux morceaux (je ne
connais pas le second album) de son modèle, Robert Smith, pour trouver son
propre style, mais l'émotion déchirante continue à pointer ça et là, en dépit de
son grand sourire. On finira, après le "fameux" slam (tour complet de la fosse
tout en continuant à chanter, bravo !) sur un "Helicopter" vraiment épatant : il
faut que j'avoue que ce sera la seule chanson que je reconnaîtrai vraiment, et
que tout le reste, à part deux ou trois - belles - exceptions, ne m'a pas fait
changer d'avis sur la musique de Bloc Party. Matt Tong, le batteur, se paye lui
aussi un petit slam alors que les lumières se sont rallumées, juste pour le fun
! Très beau concert, révélant un vrai groupe de scène, toujours intéressant même
quand on n'est pas fan. Ainsi se termina, à 23 h 35, ma troisième et dernière soirée du Festival
des Inrocks, marathon épuisant et frustrant : trop de groupes pas intéressants
jouant trop longtemps, et, à l'inverse, pas assez de temps pour que les grands
groupes donnent un véritable concert - même si Bloc Party a, ce soir, prouvé que
c'était possible, sans doute parce qu'au Zénith, il n'y a pas de contraintes
absolues d'heure de clôture.