"Maximo ! Maximo ! Maximo !" (Maxïmo Park au Bataclan le 8 Juin)
Bon, je m'étais embarqué dans l'aventure Maxïmo
Park" (avec tréma, attention, important le tréma !) pour booster un mois de juin
assez pauvre en concerts avant la grande traversée du désert de Juillet/Août, et
l'écoute de leur second album assez quelconque ne m'avait guère rassuré quant à
ce qui allait se passer ce soir. Arrivée devant le Bataclan repeint de frais
comme une maison du Nordeste brésilien (c'est original, et assez gai au milieu
des immeubles hausmanniens), où je retrouve le couple infernal Gilles &
Gilles. Nous ne sommes pas les premiers, mais un peu d'astuce à l'ouverture des
portes, un bon sprint, et nous sommes, Gilles B et moi les premiers à atteindre
la barrière et nous garantir le premier rang : dommage qu'il n'existe pas une
discipline sportive dans le domaine, nous serions champions olympiques ! Gilles
P., fatigué, avait décidé de rester derrière, un peu au calme.
Nous devisons tranquillement, Gilles et moi, quand
un grand fracas nous fait littéralement sursauter (ainsi que la majorité du
public encore tranquillement assis par terre !) : pendant que nous ne faisions
pas attention, et sans que les lumières de la scène se soient complètement
allumées, Blood Red Shoes ont pris place (nous avions à peine remarqué qu'il ne
s'agissait pas de roadies) et ont balancé la purée avec une violence
ébouriffante... je crois d'ailleurs que c'est la première fois de ma longue
carrière de r'n'rmf* que je me fais surprendre de la sorte !!! Bon, les Blood
red Shoes, c'est un petit couple anglais à l'apparence tranquille de Brighton,
sauf qu'elle, Laura-Mary Carter, en robe à fleur de gentille ménagère
tranquille, joue de la Telecaster sur deux énormes Marshall des familles, et que
lui, Steven Ansell, du haut de ses 14 ans (en tout cas il n'a pas l'air beaucoup
plus vieux...) frappe sur les fûts comme s'il était le croisement génétique de
John Bonham et d'un bûcheron du Grand Nord canadien. On est parti pour 35
minutes délicieuses de rock acéré, violent, tout en brisures et en accélération
de rythme et d'intensité : une musique mi-traditionnel (la ligne punk-garage qui
fait toujours du bien), mi avant-gardiste (une tendance à l'abstraction, au
post-rock comme on dit...) qui ne brille pas par l'inventivité de ses mélodies,
mais embrase la salle par la furie qu'elle dégage. Gros succès (mérité) pour
cette première partie tout-à-fait exceptionnelle, un duo qu'il va falloir suivre
de près !
Maxïmo Park déboulent dans un décorum tout de noir
et blanc, sur un "Girls who Play Guitars" et je dois admettre que le spectacle
est assez impressionnant... tous les regards convergent immédiatement vers Paul
Smith, leur fameux "leader charismatique" comme on dit, dont la réputation de
meilleur showman actuel ne paraît pas usurpée : physiquement, Paul a tout du
croisement entre un Mick Jones bodybuildé (la vieille classe british) et un
Keith Moon ressuscité (les grimaces clownesques, l'énergie de ludion joyeux, et
même le melon qu'il ne quittera pas du concert, malgré la chaleur qui deviendra
vite insupportable dans la salle). Paul Smith saute en l'air comme Pete
Townshend : décidément, il y a un petit quelque chose des Who dans Maxïmo Park,
aussi bien dans le style Paul Smith que dans la musique, faisant, elle, le grand
écart entre hargne et emphase, entre l'ambition de faire réfléchir - avec des
textes qui manifestent une certaine intelligence - et le goût de la folie
furieuse. Paul Smith harangue la foule qu'il voudrait toujours plus déchaînée.
Paul Smith vit de toute évidence chacune de ses chansons avec une intensité qui
pourrait être un peu "old school", voire inquiétante, s'il ne l'équilibrait pas
par un sens certain de la comédie et du plaisir. Paul Smith est, oui, c'est
vrai, l'un des chanteurs les plus impressionnants sur scène que l'on ai vus
depuis longtemps, sans doute depuis les années 70, quand le rock était encore le
théâtre grandiose des excès les plus fous. Le groupe est très carré, avec une
puissance de feu impressionnante, qui confère à leur répertoire, assez faiblard
je le maintiens en dehors de quelques hits inoxydables (les morceaux les plus
rapides en fait), une dimension absente des disques.
Le son est très fort, comme souvent au Bataclan,
mais, comme l'a fait remarquer Gilles, aurait encore mérité de l'être plus, tant
le plaisir que distille Maxïmo Park se mesure plus à l'aune des grands groupes
seventies (là encore, j'ai pensé en Who devant cette générosité pugnace, cette
emphase sans complexes) que celui de la musique plus élégante et pop de leurs
contemporains. La lumière est belle, permettant de bonnes photos. Seul problème
: la chaleur, rapidement alarmante (l'une des mauvaises caractéristiques de
cette salle, dans laquelle Paul Smith nous avoue avec gourmandise avoir toujours
rêvé de jouer depuis qu'il a écouté je ne sais quel CD enregistré "live au
Bataclan" !), qui menace au milieu du concert de terrasser Smith... Le voilà,
tout blanc, obligé de faire plusieurs pauses entre les morceaux, au bord de
l'évanouissement, avant de repartir de plus belle dans ses sauts épileptiques...
Derrière lui, on s'amusera de l'organiste déjanté, Lucas Wooler, qui vient
pogoter avec Smith et jouer de "l'air guitar" dès qu'il a l'occasion de lâcher
son clavier, et du look Tim Burton engraissé au fish & chips (oui, il veut
ressembler à Robert Smith en encore plus bouffi !) de Archis Tiku, le bassiste
géant qui descend de temps en temps de son estrade (si ! si ! il a sa propre
estrade, son piédestal, comme s'il s'agissait d'un monument !) pour se jeter
dans la mêlée... Nous aurons droit à une bonne heure de ce traitement de choc,
qui se terminera sur "Limassol", visiblement l'un des morceaux chéris de Gilles,
qui part en vrille à côté de moi. Ne connaissant bien que le second album, ma
chanson préférée sera quant à moi "Our Velocity", avec sa mélodie faussement new
wave et vraiment à tiroirs... même si je dois reconnaître que "Apply some
Pressure" n'était pas mal non plus.
C'est la pause avant le rappel, le public - des
fans, dans un registre différent de celui des Kaiser Chiefs par exemple, plus
émotionnellement engagés vis à vis du groupe - scande "Maximo ! Maximo !", ce
qui est devenu apparemment le rituel lors de ces concerts (on aura noté le clin
d'oeil au final de "Gladiator", bien sûr, ce qui n'est pas absurde, vu
l'intensité physique du combat auquel nous avons assisté). Maxïmo Park
reviennent pour un rappel un peu inhabituel, avec deux titres plus mineurs, qui
font descendre gentiment la pression pour que l'on quitte la salle conquis et
heureux.