Secs comme des rateaux ! (The Rakes à l'Elysée Montmartre le 21 Avril)
Alors que l'été permanent du réchauffement planétaire continue à s'éterniser sur Paris, les kids (du genre féminin, de plus en plus, aux concerts Rock "qui bougent") sont là tôt ce samedi après-midi devant l'Elysée Montmartre, au point que ce ne sera que de justesse que Gilles nous arrachera une place au premier rang, très à gauche, bien à côté de la sono. Qu'importe, à l'Elysée Montmartre, on se fait très rarement déchirer les oreilles par le niveau sonore, même si ce soir, la balance aura été particulièrement bien faite, et le son sera particulièrement clair.
Lorsque Good Shoes monte sur scène à 19 h 30, on ne peut pas dire qu'ils respirent l'énergie, et, de fait, l'impact scénique, la prestance "physique" de ce petit groupe qui monte de Londres est assez peu mémorable. Comme leurs compositions ne sont pas non plus brillantissimes, affichant une indéniable uniformité au fil des trente minutes de concert, il est facile de les considérer contre un autre de ces zillions de groupes éphémères, qui constituent quand même le terreau fertile du rock'n'roll depuis près de cinquante ans (d'ailleurs leur T-shirt ne clame-t-il pas : "Je joue dans un groupe, mais je n'ai aucun talent" ?). Pourtant quelque chose dans l'originalité de leurs chansons élastiques au rythme destructuré - on cite les Buzzcocks sur le Net, Gilles parle de Devo -, et surtout dans leur indéniable classe "instrumentale" - un bassiste virtuose, Joel Cox, qui, comme chez New Order, est responsable sur sa Rickenbaker de la structure mélodique (!) des morceaux, et un chanteur, Rhys Johns, à la voix surprenante de précision et d'efficacité, fait que l'on a du mal à ne pas les trouver "interesting". A suivre pour voir...
Le second album de The Rakes, ingénieux, mélodique, racé, est tout simplement passionnant, et a porté le groupe épileptique et teigneux de "Capture / Release" à un nouveau niveau d'intérêt. Le look à la fois élégant et austère du groupe, le jeu de scène décalé et pince-sans rire du chanteur, Alan Donohoe, sorte de croisement entre un Ian Curtis souriant et un Jarvis Cocker ayant laissé sa perversité sur les bancs de l'université, l'indéniable héritage post-punk dans la froideur mécanique et dansante des morceaux, tout confirme lors des brillantes 70 minutes qui suivirent que voilà un groupe qui compte, et qui a le souffle et l'inspiration (en particulier dans la qualité de ses chroniques de la vie anglaise) pour aller loin. Le son est plus fort et moins clair que pour Good Shoes, la voix grave et contenue de Donohoe plus en retrait dans le joli magma sonore créé par le jeu de guitare tranchant de Matthew Swinnerton - qui a lui un look d'étudiant studieux constrastant sainement avec ses riffs vicieux -, les chansons sont jouées à 100 à l'heure et enchaînées comme il se doit sans répit (mis à part les "merci beaucoup" débités à la mitraillette par un Donohoe malicieux). On remarque aussi le jeu très "dur" du batteur Lasse Petersen, cohérent avec le son un peu radical et extrémiste du groupe, et l'ajout d'un cinquième musicien qui produit de vagues crouic-crouics électroniques en guise de commentaire ironique derrière les chansons... Chansons toutes impeccables, parmi lesquelles on relèvera la reprise façon Starshooter du "Poinçonneur des Lilas", chanté en Français (si ! si ! enfin seul le refrain était vraiment intelligible, mais cela fait plaisir), les inévitables et hargneux "22 Grand Job" et "Strasbourg", l'impressionnant "Animal", et surtout de remarquables extraits de "Ten New Messages" : du très beau "Suspicious Eyes" au classique keupon de "Trouble", en passant par mon morceau préféré, "When Tom Cruise Cries". La fin du rappel fut particulièrement magnifique avec le long, dançant et ici, brillamment hystérique, "The World is a Mess but his Hair was Perfect" (quel titre !). Impossible de ne pas passer le reste de la nuit, et la journée du lendemain à chantonner cette mélodie-sparadrap !