Tournoi de Janvier de Sumo - Arène de Kokugikan (Tokyo)
Nous, occidentaux, nous ne comprenons pas grand chose au Sumo ("deux gros qui se poussent" comme disait le fils d'un collègue à qui son père lui racontait l'affaire au téléphone...), mais assister à l'un des 4 ou 5 tournois de l'année de Sumo est une occasion qui ne se refuse pas. On se fait d'abord expliquer les régles - pas très compliquées : 4 minutes pour chaque combat, y compris l'intimidation à volonté de l'adversaire histoire de faire monter la pression, le jet de sel sur le ring d'argile ("dohyo"), et l'affrontement en lui-même, en général de quelques secondes. L'essence même du combat donc, à mains nues, sans coups portés, juste deux fois 150 kgs (mininum) de viande qui se propulsent l'un contre l'autre à une vitesse stupéfiante, et en utilisant des tactiques foudroyantes et complexes : il y a paraît-il 48 manières de triompher, soit en poussant son adversaire à sortir du cercle, soit en le forçant à toucher la piste !
Bref, après une quinzaine de minutes à essayer de comprendre ce qui se passe, baignés de cette impression étrange et excitante de pénétrer un univers totalement inconnu, dans ce "stade" - dédié au sumo, avec une construction centrale surmontée d'un toit traditionnel arrimé par des câbles -, archi-plein de fans de tous âges, on commence à comprendre un peu ce qui se passe, ce qui est en jeu, et puis à prendre parti, sans trop savoir pourquoi, pour l'un des deux lutteurs contre l'autre, à admirer certains mouvements puissants, certaines passes astucieuses,... bref, on n'hésite plus à applaudir quand une victoire nous paraît particulièrement belle... L'enchantement nous saisit, dans ce mélange ébouriffant de tradition sportive complexe, de rituels un peu absurdes (les faux départs qui déstabilisent l'adversaire et lui font se trahir quant à sa stratégie, ce sel lancé à pleine poignée sur le ring), et de modernité décalée (comme il n'y a pas d'écrans électroniques dans la salle, les sponsors publicitaires engagent des porteurs de bannières qui font le tour du ring en vêtements traditionnels... c'est particulièrement drôle quand la bannière porte le M de McDonald's !).
Nous apprenons que plus de la moitié des lutteurs aujourd'hui sont "étrangers" (Mongols - les meilleurs, comme les redoutables Hakuho et Asasyoryu, l'un admiré et craint, l'autre méprisé et haï pour ses techniques de "gangster" - ou Européens de l'Est, oui !, comme cet Aran rescapé d'un cancer de la bouche et futur papa), et que les Japonais ont un peu honte de leur faiblesse actuelle dans ce sport / ce cérémonial qu'ils ont pourtant inventé il y a 1500 ans. C'est pourquoi le héros du tournoi est le japonais Kaio, que la foule acclame avec une conviction touchante : Kaio est l'un des meilleurs "locaux", et malgré des performances moyennes au cours de ce tournoi (6 victoires et 6 défaites pour les 12 jours qui ont précédé), il triomphera du Mongol Hakuho au milieu du délire général... Jets de coussins (très original) et euphorie... un beau moment qui couronne magnifiquement cette treizième journée du tournoi.
A la sortie, complètement ravis, nous serons quelques uns de notre groupe, choisis je ne sais comment, à recevoir un sac plein de cadeaux pour nous remercier de notre présence... Il n'y a qu'au Japon....