Coïtus Interruptus : The Woodentops au New Morning le Mercredi 30 Janvier
Pour ma rentrée
2008, un concert hasardeux, celui du retour (?) des Woodentops, 20 ans après. Au
New Morning, c'est le manque d'organisation le plus total : on ne sait pas
trop si les portes sont ouvertes ou fermées, ce qui fait que la plus grande
confusion règne à l'entrée, et, surtout, on nous annonce au moins une heure de
retard pour la programmation ce soir (la faute apparemment à la manifestation
des chauffeurs de taxi !), ce qui ne m'arrange guère, vu la courte nuit qui
m'attend (lever à 4 heures 30 le lendemain matin !). Et de fait, le premier
groupe, Jake Ziah, venu tout droit de Norvège, ne monte sur scène qu'à 21 h 20,
alors que mon moral est déjà descendu en piqué, malgré les boutades de Gilles B
et Vincent qui chambrent Gilles P à propos d'un hypothétique concert de Led Zep
à l'automne.
Jake Ziah, on nous avait annoncé un mélange de Cohen, Tom
Waits et Robert Wyatt, mais j'ai plutôt entendu un groupe appliqué à citer Red
House Painters, Palace brothers ou Spain... sans la moindre mélodie pour égayer
la structure répétitive et planante des longs longs morceaux. 8 chansons donc en
près de 55 minutes, dont 3 bons quarts d'heure d'ennui, et une courte dizaine de
minutes un peu plus intenses (seul morceau à peu près intéressant, The Kingdom).
Rien de honteux quand même, un son plutôt rèche et donc sympathique, dommage
qu'il n'y ait pas de talent dans les compositions.
Gilles B me parait
largement consterné par le public de ce soir, profil "Genesis" le retour, bien
loin des jeunes tarés agressifs d'il y a 20 ans, qui avaient transformé le
concert de l'Élysée Montmartre en soirée à haut risque... Que sont-ils devenus,
des fantomes gris bedonnants ? Vincent profite de l'installation du matériel
pour aller discuter avec Aine, la nouvelle claviériste des Woodentops, et avec
Rolo McGinty, histoire de présenter notre blog (Rolo est parait-il surpris qu'un
blog appelé "Rock'n'Roll Motherfuckers" puisse parler des Woodentops en
France... cela le fait rire !). Pendant ce temps, Gilles B, aux 36e dessous, est allé s'effondrer
sur les banquettes sur le côté de la salle...
Il est quand même 22 h 50
quand Rolo et ses Woodentops montent sur scène, et il faut bien avouer que
l'envie de musique est un peu passée, sans parler du stress de penser au
lendemain, si proche désormais. Je sais que j'aurai du mal à apprécier ce que je
verrai du concert (j'ai décidé de quitter la salle avant minuit, quoi qu'il se
passe...). J'ai mis un peu de temps à "reconnaitre" Rolo, à cause des lunettes
noires et des quelques kilos en plus, mais dès le premier morceau ("It Will
Come"), la musique des Woodentops déferle comme si ses rythmes syncopés et
épileptiques voulaient réellement réussir à faire fi des 20 dernières années.
Objectivement, rien n'a changé, et les nouvelles chansons, tout aussi
accrocheuses, mais un peu plus "dansantes", funky, s'enchainent joliment avec
les "tubes" d'autrefois. Quelques petites pointes d'intensité bien vue, des
riffs ou des solos de guitare régulièrement incendiaires, Rolo qui monte à
l'assaut du (maigre) public, juste au dessus de ma tête... Rien à dire, Rolo a
toujours ce mélange paradoxal d'arrogance provocatrice et de gentillesse, le
groupe, dont les membres-clé sont inchangés, est au niveau... d'une manière
presqu'incroyable si l'on considère la césure temporelle d'où il
surgit.
Dans la salle, les tarés de l'époque ont réapparu, mais comme ils
sont vieux, ils font moins peur, ils sont juste pitoyables à beugler "Love Train
!". J'ai du mal quand même à reconnaître les chansons, toutes un peu laminées
dans cette folle chevauchée typique des Woodentops "live", mais je me rends
compte que c'est surtout que je n'ai pas entendu la plupart d'entre elles depuis
presque deux décennies... Je m'accroche à une belle version de "Good Thing",
puis à un "Get It On" bien énervé, avant de quitter la salle au bout d'une heure
de concert, horaire oblige. Je n'aurai pas entendu "Love Train" ni "Travelling
Man", sans doute réservés aux rappels, plus tard dans la nuit. J'ai les oreilles
qui bourdonnent un peu après les superbes assauts soniques de l'ampli de Simon
Mawby ("un ampli qui dégage !" a murmuré Gilles P., admiratif !), mais alors que
je cours dans les rues obscures et froides pour attraper un métro, je suppose
que la principale question qui me tarabuste est : "Qu'est-ce qui manquait ce
soir pour que le plaisir d'autrefois soit encore là ?".
La magie des
Woodentops, cette capacité à générer une véritable hystérie en concert, n'est
plus là. Et c'est quand même un peu triste, quelque part, ce retour à demi
réussi d'un groupe - pour moi, pour notre petite bande - légendaire. Il faudra
quand même que je demande aux autres comment tout ça s'est conclu. Et même si
j'ai manqué cela, je crois que je préfèrerai entendre que le feu a fini par
prendre. Qui sait ?